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La nuit en couleurs

L'orage ou l'océan

Joëlle Pétillot #poésimages
L'orage ou l'océan

Parfois

la peur de la vie

son vertige de falaises

 

la litanie des corps

sous une pluie de draps

leur tissu blanc de vagues

l’écume et sa pâleur d’oiseau

le chant rouillé des années sur nos gestes

 

les cils

paupières échouées dans le sommeil

 

parfois la lune buvant la nuit

parfois les grondements

l’océan ou l’orage

la défaillance

parfois le printemps froid

du vent d’avril

mais les petits dorment

s’éveillent à la rosée

bouches d’ogres

corps tendus de possibles

regards éperdus

appels à pleines dents

vers la dévoration.

 

Plus la peur, alors.

 

Juste la vie.

 

Soror

Joëlle Pétillot #Poésimages
Croquis de mon père, Loÿs PÉTILLOT, de ma soeur âgée d'une quinzaine d'années.

Croquis de mon père, Loÿs PÉTILLOT, de ma soeur âgée d'une quinzaine d'années.

Quinze ans, la grâce. Elle est perdue dans sa lecture, dans ses rêves, peut-être. Une enfance toujours là, mais prête à se pointiller, bondir dans les possibles, passer d'une rive à l'autre, un sens, puis l'autre, partir, revenir. 

Ce temps à la fois prévisible, pour autant incertain, balance entre marelle et rêve d'échappée, pose son âme fugueuse pour un instant choisi, happé par le crayon vivace, aimant, d'un père qui croque comme il respire. Un père... Le nôtre. Il ne sait pas encore que je vais débouler, deux ans plus tard. Dans cette enchantée pose, il fixe en noir et blanc sa fille unique, qui le restera, au delà mon arrivée, parce qu'elle est elle, belle, aile protectrice sur ma petitesse, bien plus tard. Ce dessin me touche infiniment, pour ce qu'il dit d'elle que je n'ai pas connu, pour la grâce qui ne l'a jamais quittée, même dans sa vieillesse, où cette adolescente est restée dans le regard, le rire, l'amour de la vie.

Soror, le joli mot latin pour dire "soeur".

Il y a "or" dedans.

Tout est dit. 

 

 

 

L'endormeur

Joëlle Pétillot #Poésimages
L'endormeur

Ses yeux : gros de métal et de nocivité. Ondulant, il trace autour de ce qu’il veut ternir des cercles resserrés. Il ne siffle pas, mais pose sur toutes choses un silence obtus, guetteur de la pire espèce ; celle qui a le temps.

Il se plaît à effacer les couleurs, les absorber, serpent-buvard qui aime la boue, la merde, les gadoues pour les vomir dans les bouches des autres, faire crever le sourire, enténébrer les rêves. Il rend les mots épais, brouillés, inutiles. Ensommeille la parole, dégueule sur la vie, fait bégayer les corps.

Le moisi du malheur, l’ombre, les ruines… Son temple, sa maison.

Il est costaud, l’endormeur.

Mais pas tant.

S’il veut l’obscur, la nuit profonde, on peut la mer, on peut l’azur.

S’il creuse de ses crocs pour enterrer la joie, on peut le chant.

A ses sanies, on peut la pluie, le bord des rivières, la peau aimée.

S’opposer devient un langage.

Ecrire fixe, épingle, cloue.

Contre le poison qu’il enterre en pleine chair, on peut les arbres et leurs secrets.

A lui, noyé de plaisir au milieu de ce qui schlingue, on peut tendre le printemps, le chocolat fondu, la violette cachée. Ça aussi, c’est un poing dressé.

Oh, la puissance du dérisoire.

Les larmes, contenues ou pas, pour lui, bel apéro.

Mais on peut la récré, le diabolo et la marelle. Le jeu, le désir, l’oiseau.

Au froid de cave de son haleine, on peut le cristal et la neige, on peut le bois, la sève, la voile.

Le combat ne nous est pas toujours favorable.

Mais on peut la douceur de doigts minuscules fermés sur un seul des nôtres, on peut les mots d’amour d’où qu’ils viennent, amant, enfants, petits-enfants,  les mots tout court, ceux qui aident, allègent, soulagent, habillent.

Qu’il crache, éructe, dansote sur les cendres, ricane tant qu’il veut.

Demeurons farouches.

Pégase

Joëlle Pétillot #Poésimages
Pégase

Je suis Pégase au nom porteur de source,

celui dont le sabot connaît si peu le sol.

Le père de tous les chants

 

mon galop de cristal

mes ailes en feu d’étoiles

mon ventre de nuit

tout en moi dit le sang de ma mère

les pierres nées de ses yeux

la lune comme une bonde

qui avale les astres

 

je sais pourtant

le murmure de l’eau

comme la puanteur des combats

le cri des guerriers avant la mort

les tombes du carnage

comme

la poésie

paix d’émeraude sur l’oubli des falaises

 

Je brise tous les murs

avec du vent

 

cheval d’azur

milliers de mots danseurs sur ma crinière

puissance du ciel

l’Olympe en mouvement

je dresse vos sommeils

vos rires ô petits hommes

pourtant

 

je ne suis rien si vous ne rêvez pas.

 

 

 

 

Chair de houle

Joëlle Pétillot #Poésimages
Chair de houle

La mer à qui le vent

donne la chair de houle

l'horizon détracé d'écume

brouillard de sel

 

Noroit brisant le ciel

au bleu passé

drôles de sirènes

à contrechant

 

la rage au sillon moutonne sa colère

et pousse

pousse

gifle les voiles

avance

avance

se débat

 

mais seuls les bateaux voyagent

et elle ne leur pardonne pas.

 

Fleuve ambigu compteur de pierres

Joëlle Pétillot #poésimages
Fleuve ambigu compteur de pierres

Mémoire

fleuve ambigu

compteur de pierres

arbre dont chaque fruit est un deuil

compagne du surplus de nuit

 

Mais

aussi lien  

parure

parjure.

 

« je t’oublierai un jour »

 

cent ans plus tard ton nom est là

impossible à désinscrire

ineffaçable dans

le sable des veines.

 

Mémoire

rasoir

douceur

écho

gare ! avec le temps tu t’allèges

 

l’oubli n’est jamais loin

pour peu qu’un ciel de traîne

s’amuse

à balayer les pluies

 

 

 

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