Chacun sait que les dessous affolent : la dentelle nacrée sur une chair rose, la noire dont les méandres savants révèlent la blancheur , les bretelles souples et satinées glissant avec tant de grâce sur une épaule offerte; tout attire la lèvre gourmande, la bouche avide, la langue impatiente. La guêpière, le bustier, l'attache rebelle du bas qui refuse de se défaire, sans doute pour cause de non -maîtrise du geste- le déshabilleur est par nature peu enclin à la froide zénitude-,oui, cette "barrière de frou-frou" chantée par Ferré dans "Jolie môme" est l'obstacle le plus sournois qui soit : celui qui n'existe que pour être franchi.
Et rendre ce qui suit goûtu comme un sursaut, une obtention.
Osons le mot : une victoire. La petite bande de peau qui fait de l'oeil, entre le haut du bas si l'on peut dire et le bord du bas du bas, cet espace au delà du temps, coupé en long par la jarretelle, ouvert en toute fausse innocence sur les gouffres qu'il annonce... Une ode. Une symphonie.
Un opéra pour les plus fins des connaisseurs.
Cela dit, les dessous coton simples mais de bon goût ont aussi leurs afficionados : souvent les mêmes. En ce bas monde, tout est question d'humeur ou de circonstance. N'excluons pas les considérations météorologiques, incontournables en cas d'échauffourées en plein-air, et nécessitant souvent le port d'une lingerie qui puisse s'ôter rapidement et se remettre à l'identique.
En clair, éviter le bustier à lacets, sinon, on n'est pas rendus.
Mais toute harmonie est riche de dissonances, et dans ce domaine, j'ai le regret de vous annoncer qu'elles sont de taille.
Un exemple pas du tout au hasard : Le mi-bas
Oui, vous m'avez bien lue, je parle de cet ersatz souvent de couleur cognac, surmonté d'un élastique large comme une bande-velpeau et s'arrêtant à mi-mollet.
Idéal pour le tailleur pantalon, toutes les executives le disent.
Mais franchement, à pied d'oeuvre...
Car l'élastique marque. Aussi, lorsque l'effeuilleur fébrile vient à bout du dernier rempart de l'effeuillée, cette dernière étant censée apparaître dans la splendeur originelle de sa nudité...
Ben non.
La coupure de serrage donne à la jambe des allures de rôti marqué par la crépine. J'entends d'ici un concert de voix graves, mâles donc : "Mais les bas résilles, ça fait pareil ! Et sur toute la jambe ! " Messieurs vous avez raison.
Seulement le bas résille a pour lui l'esthétique. Il est beau, excitant lorsque bien porté, c'est à dire prolongé de chaussures dont le talon souligne une cambrure, une cheville fine, un genou élégant.
A côté, le mi-bas est une pauvre chose.
Exemple second : le bas "qui tient tout seul".
Qu'on ne vienne pas me dire que ses concepteurs n'étaient pas des mecs.
Les architectes de ce non-vêtement ont raisonné petit :
"Les gars, on invente un bas qui fait que les filles en remettront, des bas, nous épargnant enfin l'enlevage du collant qu'elles aiment tant parce qu'il tient chaud au bide, alors que leur dérouler ce truc mou tient plus du dépouillage du lapin. Convenons donc d'un bas sans jarretelles, aux avantages innombrables: pas à s'emberlificoter dans les attaches, les plus patauds s'en sortiront très bien, on aura l'air moins con.
Objection, Votre déshonneur.
Avez-vous vu l'intérieur du haut d'un bas de ce genre ?
On dirait du pneu.
Qu'on l'enlève, et la cuisse se retrouve au mieux coupée par un sillon, au pire marquée au rouge pour cause d'allergie.
Et je ne parle pas de la chose portée : le-bas-qui-tient-tout-seul, pour justifier sa réputation de prodige textile, ne doit choir à aucun prix.
En clair, il serre à crever le haut de la cuisse, lequel forme alors un bourrelet de chair passant par dessus la limite, même pour les diaphanes.
Je le formule haut et clair, les dessous sont le seuil d'un monde de soupirs et de gémissements divers, mais au prix d'une alternative : tout ou rien.
Guêpière compliquée et jarretelles délices, ou chaussettes de laine et petit-bateau. Les deux ont leur charme. Voilà la clé d'une sexualité souriante, ludique, jubilatoire et passionnée.
Surtout, mais surtout pas de mi-bas. Les hommes sont souvent maladroits, attendrissants de candeur, délicieux, je n'imagine pas un monde sans leur miel.
Alors, épargnons-les.