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Dégage

Dégage

Il m'a dit : "barre-toi". J'ai tracé, obéissante, avec un fin pinceau de soie, une ligne diagonale à l'encre de chine, depuis la racine des cheveux jusqu'au dessus du pied. Ainsi rayée des choses, j'ai marché. Plus personne ne me voyait,

même pas moi. Il m'a dit :

"casse-toi". Je suis tombée au sol, tous mes éclats tintant en fines brisures répandues jusque sous les meubles, loin dans la poussière et l'obscurité.

Il n'a rien fait pour me balayer, mais en foulant les morceaux ses pieds se sont couverts d'entailles fines, très profondes.

Vous qui blessez sans états d'âme, méfiez vous des bords coupants aux plaies que vous infligez. Un jour ou l'autre, ils passeront à votre propre peau, et c'est vous qui saignerez. Il m'a dit : "tire-toi". J'ai allongé mes bras, mes jambes, à l'infini. Je suis devenue poulpe. J'ai tentaculé sa tête, son corps, j'ai serré pour qu'il comprenne

C'était bon, son souffle ralenti, sa peur. Je l'ai aimé, ce goût râpeux, amer, cette ombre sans cri ventousée vers le néant, dans un bruit atroce. C'est goûtu, la cruauté. Il m'a dit : "dégage". J'ai fait le vide en jetant tous les souvenirs l'un après l'autre, avec méthode, dans le vide-ordures. J'ai agi de même avec ses meubles, ses livres, ses fringues, son chien. Il ne restait plus de chez lui que d'étranges murs avec des marques, et un sol de neige fraîche que pas une trace ne souillait. Le vide.

"Dégage".

D'accord.

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R
Ou plutôt, la colère.
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R
Quand la vengeance cède à l'élégance. Et, j'ose le dire, à la poésie.
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