Elles traversent le jardin d'un vol sautillant et pressé, branche bien horizontale en bec, solidement tenue. On s'affaire, et ce n'en n'est pas une mince que de se construire le studio qui va bien, confort maxi et remplissage à l'avenant, pour la petite famille. Ces coquettes en habit du dimanche toute la semaine travaillent d'arrache-pattes sans jamais froisser leur guipure.
J'admire.
Mais le printemps est si peu regardant qu'il importe dans mon jardin un nombre conséquent de volants entoilettés joyeux d'humeur et de fort appétit. Le lierre dessinant au cou du lilas encore nu une étole assassine en sait quelque chose, lui dont les baies noires attirent les goulus : cette branche sert à tout, stratégique qu'elle est, juste au dessus des feuilles.
Multifonction, messieurs-dames : porte-mésange, soutient-rouge-gorge, séchoir à merles.
Du coup, le jardin chante, toutes grives dehors.
Oui, on sent que ça bouge sous la terre, dessus, les fleurs font leurs timides, l'ellébore se déploie et verdit, -celle-là, comme faux derche, en passant... Faire des fleurs vertes, c'est perturbant. Sont elles fanées, se demande le profane, ou à venir ?
Elle se contente d'être belle, et penche vers l'oiseau qui picore dieu sait quoi juste devant elle. Il semble presque lui murmurer des choses. L'indifférence, ça paye: toutes les séductrices vous le diront.
Au milieu des notes joyeuses file celle plus rauque de ces dames en noir et blanc. Élégantes, certes, efficaces, ces pies, nul ne peut dire contre. Mais quant à être mélodieuse... Plutôt angineux, ce chant. Pas à dire, ça gâche un brin. Bouffez du miel, les filles...
Elles s'en foutent ? Oui.
C'est pour ça qu'elles ont table ouverte chez moi.
Vivent les imparfaits qui s'en tamponnent, les mal finis qui assument, les pas conformes qui rigolent.
La pie en éternel smoking a un cri de poivrot qui meugle.
Moi, ça me va.