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La nuit en couleurs

Petite chronique des grandes hontes ,7. J'enlève le bas.

Joëlle Pétillot #Petite chronique des grandes hontes

Il y a peu, j’ai appelé l’Amie, celle des années anciennes comme actuelles, celles dont j’ai déjà évoqué la présence à Venise, par exemple. Mais nous vécûmes elle et moi de nombreuses virées en filles et lors de ce coup de fil très bref –deux heures et quinze minutes à peine - nous voici parties à remonter les siècles jusqu’à se retrouver… aux Antilles. En Guadeloupe, exactement, où un ami nous accueillait il y a vingt-quatre petites années.

Précisons que l’évocation susdite se fait entre deux hoquets mais pas d’émotion. L’Amie en question a tendance à décoller le papier peint quand elle rigole et ça me sied : je suis pareille.

C’est qu’ayant mis plusieurs jours à s’appeler (1er coup de fil, elle est occupée, 2ème c’est moi qui le suis, 3ème y a une impossibilité) celui dont je vous parle séant est celui de la Victoire : 4 ème tentative, elle est libre, et moi aussi. Ça nous enchante, d’où une forte envie de nous poiler. Nous nous poilons donc.

Et remontons à l’envers le Fleuve du Temps, ploum, ploum.

La première nuit antillaise dans un studio où nous frisons l’étouffement, tout en rassemblant nos maigres forces pour cause de décalage horaire et de suées à niaquer d’une claque molle les moustiques qui se régalent. Allongées sur la plage, quelques petites heures plus tard, on verra quasi le soleil se lever. Lui est frais, nous pas.

L’ami bienveillant passe un peu plus tard dans la matinée et nous trouve bavotantes devant notre thé. Il identifie à nos gueules le mauvais sommeil et nous en demande la cause. On lui dit chaleur-décalage-chaleur… Il s’approche d’un pas dansant d’outremérien, cette gracieuse élégance qui est la leur et tend la main vers un machin qu’on n’avait pas vu, qui fait « clic » sous son doigt.

Vingt secondes plus tard, il règne dans le studio un petit air frisquet et l’ami, bienveillant toujours, prononcera un « c’est la clim » empreint d’un sourire dans le ton, mais léger léger, à peine audible.

Il ne s’est même pas moqué. La classe.

Antilles/ Guadeloupe/ Clap, 2ème.

Nous sommes deux sur la plage, et c’est tout. Une petite crique charmante. Mon amie, excellente photographe, me demande de me déshabiller, ce qui revient à un effort minimal, je n’ai qu’un bas de maillot. Cette époque bénie me permettait de balancer le haut, les seins gardant le même niveau. Maintenant, non, mais tout le monde s’en fout, vite, reprenons le fil du récit.

Ne sachant rien lui refuser, j’ôte donc.

Elle prend des photos.

Mais ça dure, et j’entends au loin sur la mer un bruit de moteur. Je me tourne et vois un point à l’horizon, qui se rapproche et pas doucement, avec ce bruit si caractéristique de diésel marin poupoupoupout.

Me souviens plus de tout, mais je sais que j’ai dû lui crier « magne-toi » ou un truc dans le genre, à l’Amie qui toute à son art prenait le temps qu’il fallait pour l’éclairage, le contrejour, la vitesse, le diaphragme, la profondeur de champ et bliblibli.

Je me souviens juste que le moteur, à un moment, s’est à la fois rapproché et a ralenti.

Pou…pou…pou…pout.

J’ai remis mon bas de maillot vite fait, et on s’est caltées.

Jamais osé regarder derrière.

Petite chronique des grandes hontes ,7. J'enlève le bas.
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N
oh oui, Hélène...........
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H
La maladie de l'homme civilisé, c'est de ne pas oser montrer son corps nu; du coup, les voyeurs qui sont légion sont de grands malades refoulés. A cause de cela se développe la pornographie... il en aurait à dire des choses sur le corps et ses non-dits. Entre mes 19 ans et 26 ans à Marseille je faisais du naturisme; 3 heures de marche pour atteindre le lieu, presque tous les dimanches. C'était le paradis. Des familles avec leurs enfants, des gens sains. Les ferries du port venaient nous mater avec leurs touristes sur le pont, comme si nous étions des singes... Merci de me faire rappeler cette anecdote par ton texte-souvenir. Et pas de honte à éprouver pour toi mais plutôt pour les autres, leur regard malsain. Car nager dans la mer sans rien, cela tient du divin.
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J
En tout point d'accord. Même si je ne pratique pas le naturisme par pudeur, du moins en collectivité, je n'ai jamais trouvé quoique ce soit de condamnable à cela, encore moins éprouvé le besoin d'aller mater ceux qui s'y adonnent, et dont c'est le droit le plus absolu.
L
Tes chroniques me ramènent aussi en mémoire mes propres hontes, calfeutrées jusqu'alors dans des endroits obscurs de ma mémoire ; je ne vais pas narrer, mais sache que je comprends TRÈS BIEN -mais vraiment très très bien- de quoi tu parles dans la deuxième anecdote !
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J
Sois tranquille, je ne dirai pas à âme qui vive que un jour, toi aussi, tu as enlevé le bas :-)))
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