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Rapport au temps, tantan ♪♫♪♫♪

Rapport au temps, tantan ♪♫♪♫♪

J’ai avec ce que les philosophes nomment le « rapport au temps » des difficultés, du moins aux yeux des fâcheux étriqués : ceux qui regardent leur montre.

Que l’on ne se méprenne pas : portée à la ponctualité, détestant attendre ou faire attendre, commençant à l’époque où je sévissais professionnellement les réunions à l’heure etc… les en-retard-chroniques m’ont toujours irritée.

J’insiste : je ne parle pas de l’heure.

Je parle bel et bien du temps, ce facteur diabolique qui fait les saisons et les rides, l’ombre et la lumière, le jeu des sensations.

Voilà tout le nœud de la chose : la sensation.

Elle m’a bien souvent indiqué l’heure -sans erreur, je le précise- parce que l’éclairage, quelque chose dans l’air, la couleur des choses, l’impalpable… C’est difficile à expliquer: encore plus à croire me direz-vous, ô sceptiques déjà flamberge au vent : celle du ricanement, s’entend.

Mais il m’est arrivé - ce m’est une douloureuse humiliation de le reconnaître - d’avoir des failles dans la susdite.

En clair, de me tromper de sensation.

C’était un soir d’hiver, au boulot, il y a longtemps. A l’aube de deux décennies professionnelles hospitalières. Détail ayant son importance, mon bureau, antichambre directoriale dont le seul agrément était la vue sur le beau jardin, se trouvait proche d’une sorte de porte palière ouverte sur deux autres, de bureaux.

Peut-être ne suis-je pas claire, mais l’essentiel à retenir est que les collègues œuvrant dans la pièce contiguë ne perdaient rien de mes déplacements à l’extérieur, puisque je devais, pour sortir, passer devant leur nez.

Ce soir hivernal tombait sur mes épaules. La nuit s’avançait, avec elle le cortège d’interrogations mystiques propre à l’executive femelle mammifère humanoïdale Qu’est-ce que-je-fais-à-bouffer-j’espère-kia-du-pain-ettecétéra…

Fatigue.

De fil interrogatoire en aiguille y’en- a- marre je constatai :

  1. Que l’obscurité était profonde.
  2. Que les voix des collègues prenaient ce reflet métallique signifiant " fin de journée".

Pour un peu, tous indicateurs sensoriels déployés, j’aurais senti une odeur de soupe…

Je me levai donc en soupirant d’aise, pris mon manteau à la patère, mon béret en laine itou, passai l’ensemble et claironnai un « au revoir » aux deux filles qui traînaient un peu. Toutes trois logées sur place, cinq minutes nous suffisaient pour gagner nos nids respectifs.

...............

- Tu t’en vas ?

Frémissement.

Quelque chose d'inusité dans la voix de ma collègue et amie. Une interrogation, un soupçon de…stupeur ?

Une différence, en tout cas, par rapport aux mêmes mots prononcés au même moment un autre jour.

Déjà dehors par la pensée, je répondis que oui, et souhaitai une bonne soirée.

...................

- A quatre heures et demie ????

J’ai stoppé net et me suis retournée.

Je reconnais n’avoir pas scintillé, ce jour-là. (A supposer que je scintillasse parfois).

J’ai relevé les sourcils et mâchouillé à mon vis-à-vis un navrant :

« Ben, il fait noir ».

Parce que c’était mon repère, d’habitude.

Sauf que là, au gros de l’hiver, il faisait effectivement nuit, très nuit, mais… plus tôt.

J’avais bêtement négligé ce détail.

L’amie qui l’est restée depuis a mis du temps à s’en remettre.

Mais j’ai fait attention après. Au point que même dans cette vie non professionnelle, je regarde toujours l’heure si j’ai à sortir la nuit.

Histoire d’être d’équerre.

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G
Il me revient avec ce texte délicieux qu'au début de ma carrière d'éducateur spécialisé, j'ai été travailler avec 1h de retard. Evidemment, j'avais oublié qu'on passait à l'heure d'été et tous les collègues que je croisais, n'osaient pas me le dire jusqu'à ce que je croise mon copain le jardinier.<br /> " P..., qu'est-ce que tu fous, tu t'es pas réveillé ?<br /> - Ben si, à 8h comme d'habitude...<br /> Et là, il part dans un fou rire..." Il est 10h 30 mon pote !..." La journée commençait à 9h.<br /> Alors après, j'ai été ponctuel comme une horloge suisse
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Y
Dis-moi pas que le lendemain tu t'es réveillée à 8 heures et demie !?
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M
Ah ! Surement, tu le dis très bien, il y a des jours, des mois, des saisons... <br /> Mais c'est marrant cette propension à vouloir rentrer dans son cocon hivernal lorsqu'il fait froid et "noir", alors que, aux abords du 21 juin, celle de rester au bureau de 6 h à 22 h alors qu'il fait chaud et "clair" ne nous effleure même pas :-))<br /> Le rapport au temps ne suit aucune logique n'est-ce pas ?
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C
Ben vous êtes encore là, toutes les deux ?! Oui, Cata et Pachou, là.<br /> Joëlle, j'adore tes moments de soiritude, un régal.
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L
Dans ces vies tracées au compas, à se débattre avec les règles, c'est vrai qu'il vaut être d'équerre ... Mais ça serait tellement mieux si on pouvait écouter notre horloge interne. Et elle était à l'heure, elle, ce soir-là !!
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P
Hé, hé... S'il parait froid de prime abord, l'hiver est un grand farceur :)<br /> <br /> Croustillante cette charmante anecdote !
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