La nature se doit d'être domptée. L'arbre encagé s'élance quand même, et les bambous qui le chapeautent visent loin, haut.
L'arbre enfermé - mais l'est-il vraiment ? - regarde droit le ciel que la cime cherche à crever. J'aimerais pour beaucoup d'humains dont les yeux ne cernent que des barreaux, une cage d'air comme celle-ci.
Les balles sont plus légères que lui, mais à peine. Des emmitouflés, adultes et enfants dont les traits se vrillent au feu du froid, le regardent, et ses balles, ses mains, ses pieds, son corps volent aussi.
Il m'évoque les ombres dansantes des bambous, ce mouvement incessant que le vent calligraphie sur les pierres dans certain sanctuaire perdu dans la montagne, non loin de Kyoto. <br>
Je ne sais ce qu'on admire le plus chez ce fétu qui sourit, à qui il semble dérisoire de jongler avec sept balles, en débardeur, par six degrés. Mais les gosses ne s'y trompent pas, qui le regardent comme un grand frère.
Ils sont de la même essence, vivants et heureux de l'être. L'enfance, quand on jongle comme il le fait, n'est jamais loin.
Je pense aux indiens Navajos. Oui, au Japon, je pense à eux, dont l'idée du bonheur absolu est de "marcher dans la beauté".
La jeune femme, sa nuque habillée de rouge et comme tatouée par l'ombre de son bijou, son dos barré d'un jaune aussi doré que la lumière, restera quelques instants au coeur de l'insoupçonné, ce moment d'immobilité dont elle m'a fait grâce, de toute la sienne.
Kamakura. Un Bouddha de onze mètres domine d'une bienveillance surdimensionnée les nombreux visiteurs. Comme toujours le djean côtoie le kimono, comme toujours aussi la dévotion ne s'alourdit pas de gravité. Les prières sont brèves, on sourit beaucoup, même dans le recueillement. Les deux adolescentes ont passé un temps bien plus long à se selfiser, perche en main, qu'à contempler le géant de bronze. Je doute qu'il leur en tienne rigueur; ces jolies fleurs ont des éclats de rires bref, des voix d'attendrissants chatons.
Un Bouddha rancunier, ce serait un comble.