Posé dans l’oblique du soir, il y a cet or presque rouge qui pointille les hauteurs, toits ou falaises.
Un silence, celui qu’on reconnaît à la netteté des choses, au froid des contours.
La mer a monté, les bateaux oscillent sur une absence, celle du vent. Le maître du bal est un chalutier dont le sillon claque sur les coques. Les voix cisaillent l’air, rebondissent. Les bruits reprennent leur droit et tout le port balance sur cet entre-deux.
Dans l’eau oscillent des cheveux à méandres, les algues incurvées qui se prennent à la chaîne tendue, à la bouée orange qui ludionne dans son clapot, puis relâchent un peu l’étreinte et semble regarder ailleurs.
L’horizon porte le poids des îles, celui des cardinales, celui de mon passé. Comment autant d’enfance, de pieds nus, de jeu dans les petites flaques des rochers, ces océans pas plus gros qu’une main, comment autant d’odeurs salées, d’écorchures aux genoux, de sables différents, comment autant de vie peut-elle tenir sur une seule ligne, celle-là même qui fait la terre séparée du ciel pour mieux les lier ?
La lumière l’ignore puisqu’elle joue. La mer continue d’arriver, commence à lécher les coques, l’enrochement, les canots (appelés ici « canotes »). L’œil des pierres fixe la falaise en face, d’où quelques maisons, certaines grandes et belles, la regardent en retour : une immobilité en vaut une autre.
Le temps d’un regard vers le bout du monde et la mer a encore gagné. Elle va bientôt couvrir la langue de sable sec, dont je sais qu’à cette heure il est froid sous les pieds. La grève offerte aux attentes, les bateaux bâtis sur l’adieu : tout s’enclot dans une vie de vague, un cri d’écume qu’un autre écrase à peine fini. L’horizon s’use de regards, descend, consume dans une note jaune sa clarté de pont lavé.
C’est le moment où tous les océans se ressemblent, jusqu’à ne plus avoir de nom.