Je regagne mon ombre

Je regagne mon ombre.

Étrange cette façon de créer un soi-même hors de soi. Un prolongement éteint s’il perd sa source ; car comment mettre au monde un moi d’ombre, sans lumière ?

Je regagne mon ombre, et peut-être est-ce là le vrai nu.

Voici que vient se poser l’absence de tout, sauf de contours, sur le lisse d’un mur. Une absence lourde de ce qu’elle porte, la vie passée comme l’avenir, l’échouage, la vase des colères, mais les embarcadères, les îles inconnues. Le grave des séparations, les aimés trop loin, les morts. Mais les frissons, l’amour rêvé. Les humains sans toits, les jardins dévastés, mais la rébellion océane, le fou-rire, la neige… Et, sur tout ce fatras d’homme, l’aube quand même.

Je regagne mon ombre à chaque note de verre. Sa maison transparente, ses pierres vides, son battement de l’autre côté.

Je regagne mon ombre parce que je l’envie, elle qui dure si peu mais disparaîtra sans que je m’en sépare.

Je regagne mon ombre, ses contours muets pourtant si bavards, à l’envers de nous. L’invisible reste, malgré le cœur indiscernable et le regard enfui. Tout le pauvre amalgame chair et os, muscle et tripaille, tout est là, léger, pourtant, gommé, passé à la brosse d’estompe, flouté si net, brouillé, mais révélateur, tellement, oui, pire que si l’original posait sans voiles.

Je regagne mon ombre. Peut-être est-ce là mourir ?

#Poésimages