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La nuit en couleurs

Dépose minute

Joëlle Pétillot #Réflexions-fêtes
Dépose minute

On vient là déposer les minutes, pour les reprendre un peu plus tard ?  

Un si joli mot composé pour dire l'arrêt, les passagers qu'on crache, le coffre ouvert dans la foulée, cette chirurgie voiturière propre aux départs, on enlève un organe à poignée, un à roulette, un avec des anses, vite, vite, et les adieux, brefs comme des aboiements.

Il ne faut pas que la dure déchirure dure.

Alors on referme sans recoudre.

On repart. 

Non ce ne sont pas les minutes qu'on dépose, c'est la fin d'un temps donné pour un autre, celui sans les précieux qu'on lâche, happés par les gueules de tous les possibles, la gare-chienne, le loup-terminal. 

Comme les mots sont banals, dans ces séparations là, au-revoir, merci, bon voyage, bisous à x, dites quand vous êtes arrivés.

Se séparer est pauvre en vocabulaire. Sauf à lire Racine : "Dans un mois, dans un an, comment souffrirons nous, seigneur/ que tant de mers me séparent de vous..."

Mais les alexandrins, gare de Lyon...

Dépose minute.

Panache

Joëlle Pétillot #poésimages
Panache

D’une branche à l’autre du chagrin

la rousseur s’éloigne

et fait comme une entaille

dans le dos.

 

Les larmes qui ne viennent pas,

rivière sèche

ou torrent caché ?

 

Il est joli, l’affût du deuil

bondit, s’accroche

retombe

va vite à disparaître...

remballe ta pomme de pin

suceur de moëlle

les os sont vides, comme la tête.

 

Deuil de malice

deuil de verre

deuil écureuil

vie mécanique 

sourire compris.

C’est un combat, un vrai

ce silence qui serre les poignets

ce sans voix et son vide maudit

grignoteur de rires.

 

Mais je le gagnerai

je prendrai toutes les aiguilles

des pins du monde

pour me coudre un habit d’Arlequin

avec des pans de ciel.

 

 

 

 

Continent noir

Joëlle Pétillot #Réflexions-fêtes
Continent noir

Le beau cri noir de volupté… Une note profonde se survit en suavité tonique, violence dans la douceur qui fait les yeux fermés, au moins pour la première bouchée,  juste à l’instant où l’on croque. Doublement du plaisir par celui de l’annonce : croquer c’est déjà fondre avant qu’il ne fonde lui-même tapissant le palais d’un Éden de velours.  

Nul chagrin ne résiste à ses goûts pluriels, ses parfums nombreux comme les nuits de contes pour un lointain sultan. Ce grand sensuel aime à sauter aux hanches des dames sans leur accord, ne dédaigne pas pour autant l’aimable protubérance briochée mâle ;  les plus mordus des deux côtés s’en moquent. Pour un gourmand, « régime »  est un simple concept, et sa base se nomme procrastination. Surtout la pénitence excluant l’amour fou entre un noir délicat et- là c’est comme on veut-  la fleur de sel, l’écorce d’orange, l’éclat de menthe, le zeste de citron, la meringue, etc…

Béni  « et cætera », qui ouvre un océan de possibles.

Pourtant la nudité lui sied. Réduit (grandi ?) à sa simple saveur, soudard en épais carrés d’une affolante rusticité, il ouvre une large porte à un élan brut aussi revigorant qu’un feu de bois d’automne, un grog hurlant de rhum au premier frisson, un thé tartines après une bonne marche en montagne.  Il peut séduire aussi quand il smokingue, nœud-pape, plastronne, aristocratise en tenue classieuse dans de  ronflantes élaborations : Marquise, Forêt-Noire encerisée de copeaux, Reine de Saba… Ce n’est pas ainsi qu’il m’attire, mais j’admets qu’on puisse succomber, et tout adepte de ces finesses ne peut être fondamentalement mauvais.

Soyons gourmands. Mieux, soyons avides, insatiables, drogués à cet assassin de soie, victimes consentantes de ce tueur de satin, bref : accros à mort et heureux de l’être.

Parce que je vis avec ce type de toxico.

Désireuse de le garder longtemps, j’ai longtemps essayé avec une candeur qui m’honore de dissimuler les objets rectangulés convoités par le susdit. Las, il finissait toujours par mettre les dents dessus, et s’envoyait dans l’allégresse les deux-cents grammes de petite joie en alléguant avec une mauvaise foi limpide qu’il n’en restait « presque plus. » Mon incompréhension est grande au fait qu’il puisse ne « presque plus » rien rester d’une tablette inentamée, mais je ne suis pas bien fine, vous savez.

À court d’idées, vint un jour où je planquai les tablettes neuves dans … mes boîtes à chaussures.

Ça lui a pris un peu plus de temps que d’habitude, mais il les a trouvées

À côté de cet être hors normes, les clébards de la brigade des stups sont des pékinois demeurés.

Comme il m’a charmée ce jour-là.  Il avait huit ans et demie, son œil azuré brillait de l’éclat du triomphe tandis qu’il brandissait, tel le flambeau de la liberté, 3 plaquettes de « Noir fleur de sel ».

Quand on enlève l’emballage carton, ô  infime fébrilité qui fait partie du plaisir, et qu’on déchire le fourreau argenté dont le froissement sonne comme un prélude, qu’on casse les carrés qui rendent un petit bruit sec, le même que dans leur mort brutale entre les dents, sauf que c’est encore mieux quand c’est à l’intérieur, oui, quand ce petit « cra-ac » précède le goût, la lente glissade dans le gosier…  que c’est bon.

C’est mon drogué qui a raison.

 La liberté, c’est tout de noir vécu.

Méduse

Joëlle Pétillot #poésimages
Méduse

Que disent les serpents de ta tête, Méduse

sur le noir de pierre

de tes yeux

le sang de blessures anciennes

tapit ta bouche

grotte-cri toujours ouverte

 

Ils crachent l’air et le déchirent

Méduse au visage souffrant

la haine en toi que rien n’apaise

palpite

se tord

hurle à la terre

ce besoin fou d’empierrer l’âme

du vivant

 

Que disent les serpents de ta tête, Méduse

au guerrier devant son reflet

contemplant son propre visage

pour t’éviter

avant le cri

juste avant

qui tranche de sa lame froide

ton cou ployant ?

 

Pégase, 

jailli de ta coupure

le ciel frappé de son sabot

des rivières plein sa crinière

avance

dans un long frisson sur les eaux

le chant des hommes à plein naseaux

et son galop sur la nuit fière

résonne

 

 

mais les cheveux de ta colère

rougis au sang du bleu chaos

le reflet mouvant, le métal

ton cri couronné de serpents

il n’oublie rien,

les porte aux flancs,

le cheval aux ailes nocturnes,

père des sources,

ton enfant…

 

Que disent les serpents de ta tête, Méduse

que sifflent-ils au bleu chaos ?

ta beauté

car tu étais belle

l’affront d’un dieu

le sang

la honte

ta tête dans une main

qui les tient

en pressant des doigts

poissés de ton sang de mortelle

 

fuit le blanc galop qui s’éteint

vers la lumière

puis

plus rien.

 

Recours au Poème

Joëlle Pétillot #Chroniques "Le bal des choses immobiles "

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Joëlle Pétillot #poésimages

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