Station d'essence
Station d’essence, sommeils amputés
chaque voiture sa silhouette
le chemin su par cœur
au point qu’on ne le voit pas
on roule
on ne roule plus
voitures morses, le long ruban
point, trait, point le lent écoulement
galop de chien après les ombres
dans les habitacles
des sauvages ployés
journalière soumission
les coffres remplis d’océan
pare-brise
criblé de gouttes
efface, laisse, efface
broyées par l’essuie-glace
qui ne compte jamais les morts
De quel désert sommes-nous les dunes ?
Ce serait ça ?
Ce serait ça, les rêves ?
Quelque chose devenu possible, clair ou non, pour une simple question d’heure, de moment. Un siège surréaliste posé sur la noirceur des choses entre deux temps d’une musique d’absence et cette mémoire contraire que nous avons, notre mémoire de passant.
Un paysage peut se boire, un ciel s’avaler, une nuit se mordre, et se trouvera au-delà un matin, un autre, encore un. On n’en finira pas de cette horloge interne qui nous rend comptables étroits capables d’immensités quand même.
Parfois, les étoiles dentellières habitent l’ombre des collines, les bruits du vivant sabrent l’obscurité comme le silence. Il faudrait être saoul pour supporter certaine beauté des choses à certaines heures. On ne l’est pas encore assez.
Jamais.
Le chant des multitudes
Le chant des multitudes
l’autre rive, brume
un jour terrible on crèvera le brouillard
tout peut attendre
le pire de l’obscur
la clarté folle
le doux ronron
petit chaos sur du vivant
depuis la face cachée
du vent
le vaste rot des profondeurs
tout remonte
ce qu’on a jeté dans le puits
les clés du monde
les failles de roches inconnues
l’ennui des premiers jours
l’aube froissée tuée de sommeil
la peau
les jambes entremêlées
faut-il rêver en exorcisme
ou tendre vers
il y a comme un faire semblant
qui rend l’âme coupante
et la cisèle
le soi-même, pâle statue
la beauté des scories
petites chutes fondatrices
où allez-vous après le saut ?
S’il faut rêver, rêvons.
Je me souviens d’un corps, d’une voix
quand tout le reste a passé
il faisait beau
sur nos baisers
un pont, un fleuve
jamais les deux ensemble
le regard ne porte pas assez loin
porte cochère, pluie
regard jeté sur un jardin clos en plein paris
Alors fleurit le brin de cour
tags, visages empierrés
ombres décalées
madones de trottoir
ponctuation des rues
clouées sur les portails
il y a une étrangeté dans le bruit d’un percolateur
on l’entend dans le mot même
percuté calculateur
dont le café brûle un peu
vivre c’est voir ça aussi
respirer la ville
la baiser sur les lèvres
en attendant un bus
l’amour viendra après, plus tard, toujours
c’est la nuit qu’on l’entend le plus
le chant pluriel
polyphonie bavarde
silences d’antiphonaires
veillent les chats et les lumières
plantés au milieu du sommeil
on joue au mort
les étoiles et nous tous pareils
le soleil dort.
Chronique ta malle, Patrice Maltaverne
Bruno Fortuner, un ami qui me veut du bien
Je reviens d'un bal où j'ai dansé, dansé, dansé des nuits durant avec de beaux moments de grâce, des mots inattendus, d'anciens chants perdus de vues, avec la vie. C'est le bal à Jo-elle, rue des réminiscences. Allez y en son âme intérieure elle vous y attend, immobile.