Petite chronique des grandes hontes-27- Coquille !
Après un certain temps écoulé non pas sans honte, (ma vie de distraite en génère à foison) mais sans honte notable, il advint donc pas plus tard qu’aujourd’hui… un message. Et tout a basculé.
Préambule : je choisis mes amis FB avec prudence, voire subrepticité ; attendant avant de répondre, allant voir ce que publie le demandeur ou la demanderesse, pesant le pour, le contre, soupesant le nombre et la qualité d’amis communs avec une ombrageuse concentration.
Parfaitement.
Lorsque le miracle de la vie a lieu, je me rapproche de certains d’entre eux au hasard d’une voix (téléphone) ou mieux encore d’une rencontre. Et si l’ami(e) ressemble à ce qu’il paraissait au cours de nos échanges sans visages, une joie ineffable m’envahit, me transperce et m’exalte.
Il y a donc, parmi mes amis FB, des gens qui sont devenus des amis pas FB. Vous voyez ce que cela signifie, je ne m’étale pas plus avant.
Second préambule :
Voici ce qui figure sur ma page en guise d’intro :
« On n'étale pas la gelée du sens sur les tartines du signifiant »
François GEORGES
L'EFFET YAU DE POÊLE
Citation délicieuse, d’un auteur qui l’est tout autant.
Or, en ce radieux matin pré-automnal, sur le rectangle irritant qui hante mes poches de temps en temps quand je ne le retrouve pas dans mon frigo vu que je passe ma vie à le chercher parce que je l’ai flanqué n’importe où, — je parle de mon portable— voici, donc, qu’un léger bip pour une fois audible me signifie justement que l’on me cause depuis Messenger.
Voyant le petit rond portant un avatar familier, je me réjouis d’avoir des nouvelles d’un bipède écrivant pas mal, celtique, horticole, littéraire, admirateur de Coltrane et d’Hugo Pratt, bref, une âme sœur amicale. L’affection me fait arborer un sourire d’une oreille à l’autre. Je prends connaissance de son envoi et mon sourire flageole :
« Dis Joëlle, tu sais qu'il y a une coquille dans ta phrase d'accueil ?
On étale pas »
Ce à quoi je réponds, car enfin on a sa fierté :
Non môssieur. Il y a négation et si phonétiquement on entend une liaison avec la voyelle, le ne... pas est bel et bien une négation. Règle grammaticale suivante :
N'oublions pas, dans la phrase négative, la négation n apostrophe après "on" lorsque le verbe commence par une voyelle ou est précédé de "y" ou de "en".
Ex flaubertien :
"On n'entend que la pluie tomber sur le pavé"
Vouali et on dit merci à monsieur Bled 😊
Je tiens à préciser le stoïcisme badin de l’échange épistolaire susmentionné, pas la moindre acrimonie entre nous.
Sur cette réponse étayée je cours vaquer.
Soudain… petit bip. Entendu par un monstrueux coup de bol, votre servante étant non seulement miro mais un poil dure de la feuille, comme le disait ma montmartroise maman.
Évidemment, je maugrée, puisque je n’ai pas le moindre souvenir d’où j’ai pu abandonner ce symbole civilisationnel urticant générateur de petits bruits. Après quelques longues minutes clôturées comme souvent par un appel depuis le fixe pour savoir où se trouve le machin, que j’entends ronronner sous ma pile de repassage, je vois que mon vis-à-vis m’a répondu et lis :
« Ben oui
Tu l'as pas mis
Hé! »
Vérification faite, (pur réflexe, je ne mets pas un instant en doute ce qu’il me dit) je constate la gorge serrée que j’avais mis en frontispice
« On étale pas… »
En clair, j’ai pris les choses à l’envers. Ce qu’il me signale comme coquille, je comprends que c’est la correction et forcément,…
J’ai parlé de nos points communs : à cela s’ajoute un bonus de taille : sa mansuétude.
Il me signale une faute, je lui renvoie une leçon de grammaire prouvant de façon éclatante à la face du monde que je connais parfaitement les règles que j’oublie d’appliquer.
Il me garde comme amie.
Quand je vous dis que je sais les choisir.
Passé les vagues
Posé dans l’oblique du soir, il y a cet or presque rouge qui pointille les hauteurs, toits ou falaises.
Un silence, celui qu’on reconnaît à la netteté des choses, au froid des contours.
La mer a monté, les bateaux oscillent sur une absence, celle du vent. Le maître du bal est un chalutier dont le sillon claque sur les coques. Les voix cisaillent l’air, rebondissent. Les bruits reprennent leur droit et tout le port balance sur cet entre-deux.
Dans l’eau oscillent des cheveux à méandres, les algues incurvées qui se prennent à la chaîne tendue, à la bouée orange qui ludionne dans son clapot, puis relâchent un peu l’étreinte et semble regarder ailleurs.
L’horizon porte le poids des îles, celui des cardinales, celui de mon passé. Comment autant d’enfance, de pieds nus, de jeu dans les petites flaques des rochers, ces océans pas plus gros qu’une main, comment autant d’odeurs salées, d’écorchures aux genoux, de sables différents, comment autant de vie peut-elle tenir sur une seule ligne, celle-là même qui fait la terre séparée du ciel pour mieux les lier ?
La lumière l’ignore puisqu’elle joue. La mer continue d’arriver, commence à lécher les coques, l’enrochement, les canots (appelés ici « canotes »). L’œil des pierres fixe la falaise en face, d’où quelques maisons, certaines grandes et belles, la regardent en retour : une immobilité en vaut une autre.
Le temps d’un regard vers le bout du monde et la mer a encore gagné. Elle va bientôt couvrir la langue de sable sec, dont je sais qu’à cette heure il est froid sous les pieds. La grève offerte aux attentes, les bateaux bâtis sur l’adieu : tout s’enclot dans une vie de vague, un cri d’écume qu’un autre écrase à peine fini. L’horizon s’use de regards, descend, consume dans une note jaune sa clarté de pont lavé.
C’est le moment où tous les océans se ressemblent, jusqu’à ne plus avoir de nom.
Je demande
Aux grillons qui s’invitent
la nuit d’été pâlie d’étoiles
la tache de soleil qui lève le chagrin
au regard où pas un atome ne ment
aux rêves assignant le matin pour mieux s’y perdre
je demande
que la paix soit ici
et que la lumière
magnanime
dépose sur la pierre un sang de vitrail.