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La nuit en couleurs

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Joëlle Pétillot #poésimages

Petite chronique des grandes hontes 26- Compte à dérégler, Irlande. Prise 1

Joëlle Pétillot #Petite chronique des grandes hontes
Petite chronique des grandes hontes  26- Compte à dérégler, Irlande. Prise 1

 Harpe et flûte, Guiness et The Pogues, ploum, ploum ♪♫♪♫

 

Parce que c’est vous, je vous la fais à la Garcia Marquez : bien des années plus tard, je devais me rappeler ce jour lointain où…

…Je ne fis pas connaissance avec la glace, contrairement au Colonel Auréliano Buendia, mais avec quelque chose de très proche, au niveau du vécu du senti.

Je me trouvais à Limerick avec mon amoureux et un couple d’amis, pour un mariage ; celui d’une sœur, irlandaise magnifique, pétrie d’humour, parlant un français délié car l’enseignant dans son pays, rencontrée en France lors d’une soirée où nous eûmes l’une pour l’autre un coup de foudre amical qui dure encore.

J’avais emporté dans mes bagages des cadeaux pour les mariés, de quoi me calamistrer pour le jour J, et, prenant nettement moins de place, mon anglais suffisant pour bavasser autour d’un thé sur le temps et la mode à Paris, mais nettement moins fluent que le français de ma chère Eileen.

Coup de pot foutral : au sortir du bateau, (nous avions pris le Saint Patrick assurant la liaison Cherbourg-Rosslare) nous nous engouffrâmes dans notre voiture et parcourûmes une bonne dizaine de kilomètre sur une adorable route ponctuée de pâtures et bucolique à souhait. La jeune femme du couple qui nous accompagnait était enceinte de six mois, détail de taille. Ce fut elle qui eut la remarque-qui-sauve.

— On roule pas à gauche, en Irlande ?

Le chauffeur (mon blanc chevalier, je balance)  se déporta, le rouge au front. Moins de cinq minutes plus tard, on croisait un camion.

Voilà. Ça, c’est fait.

Arrivés sans encombres, nous entrâmes alors dans un tourbillon festif (les irlandais sont festifs), de rigolades en continu (les irlandais sont drôles) augmenté des joies conjuguées de retrouver notre amie et son futur mari, faire connaissance de leurs potes tous plus charmants les uns que les autres. Bref, la spirale de surcroît fortement arrosée n’avait rien d‘infernal. Je n’ai jamais bu autant de Guiness et de Smithwicks de ma vie, sauf quand je retourne en Irlande mais ça ne vous regarde pas.

De repas en rencontres, de badinages en apéro, nous voici arrivés à la veille du Grand Jour. Il est quinze heures, la fiancée est chez le coiffeur ou à un dernier essayage, le fiancé vaque quelque part. Bref, le quatuor de Frenchies en goguette revient du centre-ville, gare la voiture, décide une  balade dans un petit parc juste en face de l’appartement des  futurs. Quand on revient, surprise. La voiture est ouverte à tous les vents, vitre arrière en morceaux, et quelques brimborions laissés dedans manquent à l’appel, genre chéquiers, papiers, un appareil photo…

Les amis des copains, revenus entre temps, malades de honte comme s’ils avaient eux-mêmes fait le coup (les irlandais sont empathiques) nous aident dans toutes les démarches, police, déclaration, blabla. Je ne me dépatouille pas trop mal avec mon anglais basique, et suis, je dois le dire, assez fière de moi. Reste une toute petite chose à faire avant la Grande Consolation au pub : téléphoner à un bureau spécial pour donner le numéro du compte et déclarer le chéquier volé (La carte bleue était loin d’être généralisée alors). Ce service béni s’occupe ensuite de contacter la banque et gère tous les aléas.

Enhardie par mon troisième jour en immersion linguistique quasi complète (mon amie n’est pas toujours disponible pour traduire, loin s’en faut,  mon homme et mes amis s’expriment peu en anglais) je m’empare bravement du téléphone et commence à échanger avec une dame irlandaise banquière mais très gentille.

Elle me demande mes nom et prénom, mon adresse, jusque-là tout va bien.

Dernière interrogation:

Will you give me your number please…

Je réponds the number of my count is, suivi d’un blabla genre sixe faïve élèveune dji iou faïve innedreude and fore.

J’ai un léger accent français, et je suis un poil stressée : je pronounce le “count” à la française, en gloubiboulga ça donne “cont” vaguement anglisée.

Vous suivez, j’espère.

Je sens un vague blanc de l’autre côté du fil, mais tout va très vite, je réponds aux autres questions bien comme il faut, je raccroche soulagée, je souris.

Un ami de mon amie, garçon délicieux prénommé Willy, a assisté à l’échange.  Il s’approche et me murmure avec un sérieux papal : « Account ». En insistant sur le « A ».

À prononcer en E ouvert, n’est-ce pas.

Je ne saisis pas bien et il le voit. 

Euphémisme. Je dois avoir l’air dramatiquement con.

Il répète : A-ccount. Puis dit avec un sourire désarmant et un accent irlandais exquis : « Compte… en anglais… » puis re-répète :  Account. En articulant.

Et rajoute, encore plus bas : «  You said… » Je l’interromps tout miel et arbore mon accent oxfordien scolaire : « Oh, I said « count », sorry for that mistake… »

Il a appelé Eileen.

Petit précis de linguistique anglophone appliquée : ce fameux « cont » que j’ai dit sans frémir à la dame du service de la banque, je l’avais prononcé exactement comme s’il se fût agi de l’anglais « cunt ».

Lequel se traduit par « chatte ».

Pas l’animal.  Héé non.

J’ai donc dit à une inconnue que le numéro de ma chatte était le 6511  etc…

À peine un frémissement, la dame. Même pas rigolé.

Willy, si. Un peu.

Les irlandais sont gentils.

Contre-azur

Joëlle Pétillot #poésimages
Contre-azur

Illustration de Suzuki-Sho-Nen,  Lune.

Vivre est un appel, une convocation où l’entité répond : « absent ».

Un fleuve paré d’arbres qui le cachent, une dérive de résonance, le chant de l’eau noyé dans la musique des branches.

Les oiseaux posent, en rajoutent, saupoudrent leur note à contre-azur. Une partition où seules s’écrivent des rondes, solides, ineffaçables, sur quatre temps. Et la première d'entre elles boit en profondeur une chorale de nocturnes : questions informulées, réponses tremblotées, dialogues inconnaissables.

Comme elle demeure douloureuse, cette longue déchirure de chasseurs dans une nuit barbelée d’étoiles où il suffit de regarder pour se déligoter du paraître. 

Le gris du cri

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Petit Eden

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