Les jours différents des autres- Manuscrit- 10
Cette fois l'errance prend un tour plutôt comique, malgré les ruines et grâce à la débrouillardise du décidément indispensable Balduzzi, dit Baldu... Dessin du narrateur lui-même, bien sûr.
18 mai (1940)
Compiègne. Il est une heure, tout dort. Nous avons quitté nos artilleurs et vaguons à travers des rues inconnues, à la recherche d’un gîte.
Ne faisant pas les choses à moitié nous entrons dans le parc d’une manière de château de belle apparence. Personne. Hélas les portes sont fermées. Par contre les écuries sont ouvertes et comme dans la chanson nous nous couchons dans le foin.
Un somme d’un trait nous amène aux alentours de neuf heures.
Au Dieu de la faim nous offrons d’abord en holocauste une boite de sardines, mais la boîte seule, les sardines ayant été exterminées à notre profit.
Il s’agit maintenant de trouver le bureau de la Place. Nous partons, jetant un coup d’œil d’envie aux vélos qui ornent les murs de la buanderie. Pauvres, mais honnêtes nous partons à pieds. (Dans la sellerie il y a aussi des selles magnifiques, mais peu pratiques puisque démunies de cheval.)
Dans Compiègne enfiévrée je cherche désespérément le bureau militaire qui a déménagé la veille. Laissant Baldu devant la mairie je pousse diverses reconnaissances à travers la ville. Elle a un peu dérouillé, la ville. Ici un joli trou a chassé les pavés alentour rasant au coin de la rue une maison de trois étages, dont les seuls restes aériens sont les lambeaux de papier qui restent collés sur les murs de l’immeuble adjacent. Là un tout petit entonnoir. Pas une égratignure autour, mais plus une seule vitre dans un rayon de cinquante mètres.
Une prospection systématique m’amène enfin au but. Chose curieuse, le but c’est paraît-il Pierrefonds, où nous sommes passés déjà dans la nuit…
Je retrouve Balduzzi, qui pendant mon absence n’a pas perdu son temps. Il a fortuitement rencontré un sien copain qui exerce dans la ville la sympathique profession de charcutier. Cet homme aimable nous restaure du produit de son labeur et nous reprenons la route.
Sur celle-ci un camion du 2ème train veut bien nous prendre en charge mais nous dépose quelques kms plus loin en pleine forêt. Et d’arquer à nouveau, la sueur au front et le regard tourné vers l’avenir. Mais les paquetages commencent à se faire lourds. Je me décharge d’une partie du mien et abandonne au pied d’un chêne des effets, divers en même temps que d’hiver et qui ne sont plus de saison.
Peu après un étrange piéton s’offre à notre vue : chaussé d’espadrilles, il est fort simplement vêtu d’un treillis, d’une capote, et d’un casque. C’est comme par hasard un copain de Baldu. Travailleur militaire près de la frontière belge, il se lavait les pieds dans un ruisseau quand les tanks allemands firent leur entrée dans le village. Homme aux rapides décisions il disparut de ce lieu malsain dans le plus simple appareil, ce qui lui attira par la suite quelques ennuis avec la maréchaussée, ayant été pris pour un parachutiste.
Petite chronique des grandes hontes -11- La gymnastique holistique-
Honte ancienne, et surtout, drôlatique. Comme elles ne le sont pas toutes…
Je travaillais alors dans un établissement hospitalier aussi impressionnant que vénérable dans son jus architectural en partie XIXème, vitrine gérontologique pour l’Europe entière, (c’est du moins ce que se plaisaient à croire les chefs des différents services), où la modernité des prises en charges du patient le disputaient à la solennité des lieux. Non seulement j’y gagnais ma vie mais j’y habitais : nuance d’importance expliquant les rapports privilégiés que j’entretins avec l’endroit, qui m’a marquée à bien des égards tant sur le plan humain que professionnel, et on notera que le terme « humain » vient en premier.
Mais foin donc, je poursuis.
Il y avait dans ce beau site Ivryen (1) une bibliothèque réservée au personnel, oasis dont la vastitude comme la diversité de l’offre faisaient mes délices. S’ y trouvaient aussi bien les dernières nouveautés que des polars à l’ancienne, de la poésie, des livres de philo, d’histoire, de cuisine, des documents de droit administratif, le tout amoureusement collectés par l’âme du lieu, bibliothécaire et ex-kiné, lettrée et cégétiste, dont le fort caractère, le courage à un moment de sa vie où il en fallait et la saine colère toujours vivace envers les cons m’allaient bien au teint (M.L.L si tu me lis un jour sache que je te salue).
Avant que l’hôpital fût doté d’une salle de sport, toujours pour le personnel, il fut convenu que la bibliothèque, assez grande pour accueillir les sportifs confirmés ou non, ferait en attendant l’affaire deux fois par semaine.
Glissons sur les diverses étapes de mise en place. Toujours est-il qu’un mardi printanier, à l’heure de la coupure-repas, je me retrouvais en tenue aérienne et sur les instances répétées d’une collègue à qui ma santé semblait importer beaucoup plus qu’à moi, prête à attaquer un continent inconnu: la gymnastique holistique.
J’irai droit au but, cette unique séance m’a surtout musclé les abdos : à force de rigoler en me concentrant pour que ça ne se voie pas.
Dès le début, ça s’est mal goupillé. La « prof », être sucré auréolée d’un mysticisme new-age et d’une voix flûtée, m’avait gratifiée à l’arrivée d’un regard qui tenait plus du scanner que de la simple évaluation. Non contente de me jauger, elle avait proféré un : « vous avez vu votre dos ? » tout en tournant le sien sans attendre ma réponse.
Laquelle avait été un « pas souvent » maugréé à grand peine car poussée par ma collègue il me fallut m’intégrer au cercle, au sens propre. Nous formions en effet une ronde. Après quelques courtes minutes d’échauffement, lequel consistait à tourner en marchant lentement pour « sentir l’espace », nous nous arrêtâmes, bras tendu, toujours main dans la main, pour se lâcher et s’asseoir ensuite, la prof au milieu, assise itou.
Une angoisse m’étreignit soudain. On n’allait pas jouer à la chandelle… ?
Ben non.
Obéissant à l’injonction de la Gouroute nous nous allongeâmes avec grâce. Après quoi il fallut s’activer en suivant les directives toujours lancées à la flûte vocale par l’intéressée, qui les exprimait ainsi : « demandez à votre genou de s’élever pour monter jusqu’à la poitrine, puis demandez à votre jambe de se tendre tout en respirant àààà fond pfffffouh…
La discipline étant la force principale blabla, mes membres inférieurs obéissaient gravement bien que je me fusse interrogée une brève seconde sur comment ma jambe pouvait respirer. Hormis cette preuve de mauvais esprit laissée avec prudence en mon fort intérieur, tout se passa à peu près bien.
Jusqu’à l’apothéose.
Après trois quart d’heures de demandes diverses établies auprès des « membres sup » (terme employé par la maîtresse en chef) ainsi qu’à mes abdos obliques et mes fessiers moumous –le boulot administratif, c’est statique- nous nous retrouvâmes en cercle derechef, mais cette fois concentriques. Explication : une moitié du groupe formait cercle à l’intérieur de l’autre, les éléments composant le cercle inférieur devaient s’agenouiller, les bras le long des cuisses à plat côté dos de la main, les pieds posés sur leur arrière train, dans une position fœtale et ventrière néanmoins. Vous suivez ?
C’est que, vous comprenez, ils étaient </strong>les rochers.
Le cercle extérieur, que j’honorais de ma présence, se trouvant être rong>les vagues.
Après une grrrraaaaande inspiration inshshshshsh nous devions déferler avec harmonie sur la gent minérale, qui devait de son côté se concentrer en exxxxpiiiirantpfououh pour nous absorber.
La respiration alternée, ça s’appelait.
En clair, on se devait de valdinguer sur la couenne des collègues (je parle pour les vagues) de façon qu’ils absorbent notre élan vital (les rochers).
Trop hilare je suis tombée sans grâce sur une aide-soignante qui ne m’avait rien fait, et nous finîmes toutes deux vautrées comme des cacas sur le sol en dur. Ce qui me valut un sérieux coup de semonce de la part de l’Adjudant Holistique. Après quelques excuses mâchonnées je regagnai le cercle aquatique, prête à reconsidérer mon déferlement car enfin de vous à moi c’était la première fois de ma vie que je déferlais.
Las.
Impossible de le faire autrement qu’en hoquetant. De rire.
Je fus jetée comme un balai par la Colonelle à voix de flûte.
Perdue pour la gymnastique holistique.
Ce qui me rend triste, c’est que je n’ai plus jamais déferlé depuis.
- Ivry-sur-Seine, Val de Marne.
Les jours différents des autres-cahiers manuscrits- 9
Tu voyages en autobus dans des conditions surréalistes, bien que trop réelles. Dans ton périple soldatesque, les larmes des femmes te touchent, la stupidité, l'inhumanité, la discourtoisie des hommes, de certains hommes, t'indisposent... Je continue ce saut dans le temps par enjambement, comme un écho d'étoile morte depuis longtemps mais chacun sait que leur lumière nous parvient bien après leur silence.
Mes pas sont là, dans ta saison d'homme séparé des tiens, dans cet écho qui sous mes yeux perdure, dans ces moments étranges, drôlatiques, douloureux.
A toi de dire.
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En plat on doit avant que de partir supputer à l’avance la fréquence des points d’eau et procéder par petits bons. Toutefois nous ne céderions que pour beaucoup notre place de plateforme malgré la lenteur du voyage qui se transforme en une sorte de promenade poursuite avec les piétons civils que nous avons retrouvés avant notre arrivée à Soissons.
A noter : en chemin nous avons croisé, dans le bois, une caravane de chars lourds qui « remontaient » de toute la puissance de leurs chenilles.
16h30 : Soissons. Une salade formidable de piétons et de véhicules. Autour de la mairie une foule compacte de civils harassés qui cherchent leur route. Nous nous frayons un chemin à travers ce magma pour aller au Bureau de la Place demander le nôtre.
A peine allons-nous franchir le poste de garde qu’une alerte est donnée. C’est-à-dire qu’on s’aperçoit de l’alerte une fois les avions au-dessus de nos têtes. Et cette fois ce n’est pas une promenade de reconnaissance. Ça miaule et ça éclate pas loin de nous, concert tonnant accompagné par les triolets de feu de la D.C.A. Après quoi s’amènent en trombe les chasseurs, comme les pompiers de Nanterre.
A la Place on ne sait pas où est la 9ème armée. On nous dirige à tout hasard sur Villers-Cotterêts.
Nous tentons avant de partir de trouver quelques victuailles. Car le beefsteack de notre conducteur s’est avéré très fallacieux et notre estomac, depuis la veille, nous laisse une certaine impression de vide. Mais plus facile serait de trouver un furoncle sur un œuf à la coque. Tout est bouclé, tout le monde déménage. Une femme en pleurs, sur le pas de sa porte, flétrit les services municipaux qui n’ont pas permis l’évacuation et ont eux-mêmes évacué.
Nous nous asseyons sur un banc, plutôt consternés. On peut toujours se reposer avant de repartir. Nous évoquons en bavardant l’incident dont nous avons été témoins au bureau militaire : une sanitaire mystérieuse d’où on a tiré un jeune lieutenant, torse nu, pieds nus, les mains liées derrière le dos, dangereux espion, paraît-il. .. Ce sera une belle pâture pour les bâtisseurs de bobards et les amateurs de scandales…
Mon étoile protectrice est toujours là. Elle a attiré dans son bénéfique rayonnement un convoi d’Artillerie qui va s’arrêter juste au coin de la rue, en direction de Villers-Cotterêts. Je me précipite vers le premier camion. Un lieutenant assis à côté du chauffeur m’accueille aimablement par un « qu’est-ce que vous venez nous faire chier, foutez moi le camp… » qui n’admet pas de réplique.
La discipline étant la force principale etc…je me dirige vers le second camion. Au lieu de nous adresser au chauffeur, nous nous adressons aux usagers qui nous prennent en charge.
Nous sommes tombés sur de joyeux compagnons dont la caractéristique semble être une horreur très nette de laisser tomber des objets qui pourraient être utilisés par d’autres. C’est pourquoi nous faisons le voyage au Champagne et au Bourgogne, en alternant la dégustation de liquides par de fréquents ravitaillements en biscottes, dont ce camion-atelier semble être plus fournis que d’outils.
A huit heures, nous arrivons à Villers-Cotterêts. On nous y dit que nous devons aller à Compiègne. On repart donc et avec d’autant plus de joie que Villers est arrosée paraît-il depuis deux jours.
A minuit, le convoi est stoppé dans une agglomération. Une nuit d’encre. Nous sommes paraît-il à Pierrefonds. Nous laissons passer un autre convoi, interminable, avant de repartir. Au moment où nous nous mettons en route, des cris partent devant nous : ‘Au secours, alerte, à l’aide » et je ne sais pas trop quoi qui vrillent l’ombre où s’agitent des ombres folles.
Je prends au hasard un fusil dans le fatras du camion et m’élance sur le lieu du crime. Nouveau Sherlock Holmes suivi de près par mon fidèle Watson-Balduzzi nous tentons de démêler la vérité des rapports de nombreux témoins dont aucun n’est oculaire.
Il ressort de tout cela que le malheureux gringalet qui se débat en ce moment au milieu des mobiles qui enquêtent a été attaqué à son entrée par des quidams qui l’ont brutalement cuisiné. Il semble profondément remué par son incursion fortuite dans ce repaire d’espions. Secoué d’un tremblement convulsif il embrouille tellement ses explications que je ne suis pas loin de croire que le soupçon se posera sur lui. Cependant un excité veut tirer dans une fenêtre où il a vu de la lumière. On l’en empêche à grand peine ; à tirer de tout ça. D’ailleurs, ce n’est pas notre boulot.
Je reprends mon inconfortable place sur l’établi qui m’a servi de siège pendant le voyage, l’omoplate calée par un étau, et on démarre…
Les jours différents des autres -(cahiers manuscrits)- 8
Je t’ai laissé dans ce qui précède en homme heureux des retrouvailles avec ta femme, tes enfants. Ils sont deux : mon frère Michel, âgé de 4 ans, ma sœur Françoise, minuscule de quelques mois apeurée par « le monsieur harnaché de cuir » qui la « séduit habilement ».
Une permission due à un coude cassé lors d’une chute de cheval t’a fait retrouver ton monde, élargi à ta mère, chez qui tous sont réfugiés et qui fera vivre cette tribu avec sa seule pension de veuve pendant quatre longues années ; plus la grand-mère de maman, mémé universelle que je n’ai pas connue mais qui se tient pas qu’un peu là dans les mémoires, en « arrière » nourricière, terrienne et adorable, qui appelait ma sœur FRRRançou en Rroulant les R…
Je l’ai écrit plus haut, au tout début de ces « jours différents des autres », les 7 premiers « épisodes » sont tirés de feuillets dactylographiés, donc écrits après coup. Cette parenthèse enchantée a eu lieu en novembre 39.
Nous voici maintenant dans tes cahiers manuscrits, écrits à chaud, sur la couverture desquels figure en bonne place le cachet du stalag. Ils ont dû l’apposer en découvrant ces cahiers commencés avant ton emprisonnement. J’ai donc supposé que nous sommes toujours en 39.
C’est de ta fille aînée que je tiens ces carnets, qu’elle m’a photocopié avec patience. Tu nous verrais quand on est ensemble… Réunies dans l’amour de toi, tu es vivant comme jamais dans les coeurs-choeurs croisés de tes deux nénettes.
Mais il suffit. Maintenant, je te laisse parler.
1 heure. Réveil à la mitrailleuse. Ça crépite aux alentours. On ne sait trop où. Un sabbat du diable qui s’arrête d’un coup et que suit un calme plat.
J’avais recommandé la veille un lever matinal. C’était un conseil inutile. Tout le monde est déjà debout. Les charriots se remplissent à nouveau. Les familles se regroupent, et l’on reprend la route, sous les étoiles…
Laon. La ville s’étage devant nous, noire et morne. Un gendarme, en faction au croisement des routes d’entrée semble en être le seul habitant. Les réfugiés, qu’une idée fixe illumine, cherchent la gare. Mais les voies sont coupées. Il faut continuer sur Soissons.
Nous contournons Laon à l’aveuglette et nous retrouvons par hasard la bonne direction, n’ayant rencontré sur notre chemin que des voies barrées et pas une indication pour suivre celle qu’il fallait.
Et de nouveau jeunes et vieux reprennent leur marche silencieuse et angoissée. Des femmes poussent en pleurant des voitures de gosses. Sur le bord de la route des vieillards harassés demandent une place dans une voiture mais chacun pour soi et Dieu pour les autres.
D’ailleurs tout véhicule est plein à craquer. Quant aux autos, elles filent, caparaçonnées de matelas, hérissées de vélos, spiders gonflés de valises, de chaises, de casseroles.
Nos paquetages sont toujours dans le charriot de l’aimable Belge avec qui nous voyagions la veille. Derrière nous se traîne une jeune femme, soutenue par la voiture qu’elle pousse. Mon camarade et moi nous relayons pour la soulager. Pendant que l’un pousse, l’autre s’accroche aux ridelles du charriot.
Derrière nous l’horizon rougeoie, les bombes claquent dans Laon que nous venons de quitter il y a vingt minutes. A notre gauche, noire, une flèche traverse le matin gris. Trois flocons blancs l’encadrent, et l’avion pique derrière un rideau d’arbres. Nous sommes en plein bois à mi-chemin entre Laon et Soissons. Une route à gauche, une à droite. Au croisement un motard nous sépare, civils d’un côté, trouffions de l’autre.
Là-bas, sur le bord de la route, ma bonne étoile semble se matérialiser sous les traits aimables d’un AUTOBUS. Et de foncer, Baldu et moi, coudes au corps vers ce véhicule à moteur. Nous nous enquérons bien poliment et le cœur battant auprès du Phaéton qui en soigne les chevaux-vapeurs, du lieu vers lequel sa destinée le pousse. C’est Soissons. Gloire à Dieu !
Ce bon vieux bus parisien (ça fait plaisir à voir) a été en quelque sorte transformé en garde-manger pour les besoins d’une C.R.V. et transporte 2 kgs de viandes diverses, outre un fut de pinard dont le maître à bord ( une manière de réserviste rougeoyant sous son bleu horizon) use largement avec nous. Après quoi il nous fait miroiter les attraits d’un beefsteack prélevé sur sa cargaison, qui sera cuit, dit-il, avant l’arrivée à Soissons par une personne de sa connaissance.
Malgré toutes ces qualités ce bus a un défaut. Son radiateur fuit. Ce qui fait que sa moyenne horaire ne s’améliore guère que dans les descentes…
Mots griffés sur les images de Pascal Livani
C'est une usure
Et l'ironie est là. Vieillir est un ratage inévitable, mais il se prépare.
Dans l'élégance, si possible.
Ce mal qui peu à peu s'estompe, puisque le temps est le plus accompli des nettoyeurs.
Mais certaines blessures à jamais enracinées se survivront quand même, en ombres têtues. La douleur, c'est cabochard, ça ne lâche pas son os comme ça.
Me reste de vous des griffures profondes, de celles qui dévisagent l'âme à tout jamais, la rendent hideuse, destructible, et plus jamais lisse, plus jamais.
Il n'y a plus en moi que cette grimace qui entaille sans saigner, marque sans se voir, et se voit pourtant, dans l'incapacité qui est désormais la mienne à se poser, regarder le monde, et ne plus souffrir.
Elle est là, bien cachée au creux de mes sourires.
Je rends la mort
orange, attirante et végétale.
Ronger, prendre en douceur un peu de la substance intiale, choisir.
Ne rien rendre.
Ce qui est pris, est pris.
Je suis cette rouille qui danse aux coques des bateaux, aux clous abandonnés, aux grilles mangées de lierre, à l'amour des humains.
Parfois, je m'amuse.
Je détruis en souriant.
Je joue.
Je rends la mort orange, attirante et végétale
Le rouge passionné comme un baiser qui mord.