Conte de fée, conte d'effet (pervers)
Les contes de fées sont structurants pour le développement de la psyché enfantine.
Bien bien.
Nous allons donc procéder à une revue de détail. Commençons par Blanche-neige ♪♫♪, il faut bien commencer par quelqu'un.
Objet de la vindicte d'une marâtre narcissique, la pauvrette s'enfuit dans les bois, recueillie ensuite par sept pauvres choses hautes comme des pots de fleurs, coiffées de bonnets ridicules. Massacrée par Disney, ça nous donne une godiche à peine pubère qui fait le ménage en chantant pendant que ses potes mini-barbus partent vaquer à des tâches imprécises, en trouvant tout-à-fait naturel qu'elle se crève à ramasser leurs épluchures. A noter, les jours de lessive, les moineaux hyper-sympas portent chacun un coin de drap pour aller le poser sur le fil à linge, histoire de donner un coup de main.
C'est blindé de moineaux, chez moi : aucun jusqu'à maintenant ne m'a aidée à étendre mes torchons.
La belle au bois dormant ♪♫♪ : dort comme une enclume un siècle entier, ouvre les yeux grâce au bisou généreux d'un gommeux de passage. Premier acte conscient post-comateux : elle l'engueule, il a mis trop de temps à se pointer. Mais chérie, quand tu es tombée comme une bouse, à seize ans, après t'être piquée sur un fuseau (avec une aiguille, ça arrive; sur un fuseau dont la pointe est visible à vingt mètres... ?), oui, quand le sommeil t'a pris là, d'un coup, il n'était même pas né, ton promis. Une confidence de toi à moi : relis ta propre histoire par le délicieux Perrault : ton prétendu, le premier truc qu'il pense en te voyant, c'est que tu es sapée comme sa grand mère. Gaffe, quand même.
Au passage, Blanche-Neige,
Avoir le palot rédempteur ne fait pas du premier venu le compagnon du siècle, les filles.
Elles, elles croient que si.
Des buses, on vous dit.
Mais dans la famille des Princes Charmants, le plus gouleyant est quand même celui de Cendrillon. Cette dernière, grâce aux bons offices d'une marraine-fée, part au bal du Prince en belle robe longue brillante et tout. Et là, arrêtons-nous sur un détail majeur.
Cendrillon pour aller guincher plus à l'aise porte des pantoufles de vair. V-A-I-R.
Quart d'heure culturel: le vair était paraît-il à l'époque de Perrault le nom donné à un charmant petit rongeur.
Donc, pour aller séduire le prince, Cendrillon porte, sous sa belle robe longue brillante et tout, un genre de charentaise en fourrure. Plus glamour, on meurt.
Comme ça ne tient pas aux pieds, elle en perd une etc... etc... On ne va pas y revenir, chacun sait ce qui arrive.
Mais quand même : le prince, bien décidé à faire compliqué, harcèle pantoufle en main toutes les filles du pays ; voilà les pauvrettes qui n'en demandent pas tant obligée d'essayer une grolle hideuse et déjà portée. Soit disant pour retrouver celle qui blablabla.
Tout ça pour mater tranquillement les mollets des candidates. Bien sûr, à la fin Cendrillon épouse son fétichiste du pied, et elle est contente. Sans en vouloir une seconde à sa bonne marraine la fée, qui l'a laissée se crever vingt ans à laver les carreaux en robe misérable, sans se manifester.
Et quand enfin elle l'a fait, sa filleule a du speeder pour rentrer du bal avant minuit.
Et l'ogre du petit poucet ? Force de la nature, terrifiant, tellurique, puissant...mais doté d'un QI proche de celui d'un bulot. Il entre la nuit dans la chambre, touche les bonnets intervertis par le gamin futé avec les couronnes de ses filles, croit que ce sont les gamins, puisqu'il touche des bonnets, et égorge ses sept filles d'un coup d'un seul. Trop fort. Même pas pensé à prendre un peu de lumière. Ne serait-ce qu'une chandelle, c'est pourtant utile, des fois.
Je conclurais bien sur Peau d'Ane, mais une banale histoire d'inceste, franchement... Heureusement que l'origine de la fortune du roi son père n'était pas un hareng. Vous imaginez le titre, après ça ?
Bon, je dois y aller.
La prochaine intervention portera sur la série "Dr House".
Mi-graine
Voilà ce que je veux t'écrire depuis longtemps : « barre-toi. » Tu me pourris la vie depuis des années. Tu m'as gâché un nombre incommensurable de moments qui auraient pu - auraient du - être lyriques, ébouriffés, débordants...
Et je me suis retrouvée plaquée sur un plumard... mais pas du tout comme prévu ,
Là où j'imaginais, avec une gourmandise dissimulée à grand peine, une glissade à corps tressés sur fond de déshabillage fébrile, ne me restait plus que l'allongement geignard avec un marteau-piqueur, tu sais, celui que tu me vrilles dans les tempes en le maintenant bien serré, histoire que je respire à peine. Salope. C'est dit. J'ai longtemps prié Sainte Codéine, Sainte Aspirine, le Bienheureux Ibuprofène, Saint Triptan (celui là... il a marché un temps et puis nib, çà ou un bain de pieds...) Vais quand même pas leur dédier des chapelles. Ou alors, c'est les labos qui payent. Mais ils ont du mal, on le sait.
Je ne compte plus les heures d'écriture remises à plus tard parce qu'en croyant taper "il était une fois" ça donnait à la relecture : "om ryzoy i,r gpod"
Juste avant de vomir, bien sûr.
Amis de la poésie, bonsoir. J'ai failli mourir vingt fois en conduisant pour rentrer chez moi, après que tu te fus déclenchée, avec la sournoiserie qui t'est propre, au moment où je prenais le volant. A savoir : quand, évidemment, on ne dispose pas de flotte pour avaler un comprimé (ou deux) que de toute façon on ne possède plus, vu qu'on en a pulvérisé trois boîtes lors de la dernière crise. Chaque fois que j'entends mon docteur, homme hautement estimable au demeurant, (il est contrebassiste de jazz dans les moments que veulent bien lui laisser les vieilles dames du quartier qui sont toutes folles de lui ; un contrebassiste de jazz ne peut pas être foncièrement mauvais) chaque fois, donc, que dans son œil azuré une lueur de perplexité s'allume élégamment et qu'il me dit "je ne sais pas comment venir à bout de ces céphalées"... j'ai mal à la tête. Le nombre de livres que je n'ai pas pu lire du fait de ton sale sourire grinçant, immonde grognasse, remplirait deux cents fois la bibliothèque d'Alexandrie. Heureusement qu'elle a brûlé. Pourtant, ils doivent être moins nombreux que les films où j'ai du sortir de la salle rapport à la bande-son, probablement destinée à des sourds profonds, qui me mettaient les tempes en poudre et le foie au bord des lèvres. J'allais oublier : le statut de migraineuse est difficile. On passe dans le meilleur des cas pour des simulatrices ("pas ce soir"), au pire pour de grandes douillettes. Dangereux pour un couple, à moins d'épouser un migraineux ? En priant pour que les crises coïncident ; car si elles alternent, la vie sexuelle va être aussi exaltante qu'un après-midi au musée de la serrure. Pour peu qu'il pleuve... Oh, tu t'es un peu humanisée, avec le temps, je le reconnais. Il m'est arrivé de m'endormir avec toi, pas souvent, mais quand même. Seulement, tu m'aimes, tu m'aimes, et le lendemain, au premier soulèvement de paupière, qui vient me mettre sous le crâne des danseurs de claquettes chaussés de godillots cloutés et pesant trois cent kilos ? Je te hais. Je veux, j'exige que tu me lâches. Laisse-moi partir n'importe-où sans me demander si j'ai pris dans mon barda Sainte-Codéine-de-mon-derrière, Saint-Ibuprofène-à-la-noix. Et ne te pointe pas sous prétexte que je n'ai pas été polie. Si tu cours aussi vite que je t'emmerde, en partant à 14 h02, d'ici, sans te presser, à 14h06, tu arrives sur les hauts plateaux du Tibet. Comment ça "le dernier mot ? ". Je sais bien que tu l'auras, céphaléique vipère, boxeuse surdopée, radasse flapie. Mais ça m'a fait un bien fou de te dire droit dans ton absence de regard en forme de cachets, de ton absence de visage en gélules jaunes ou bleues, ce que je pense de ton absence d'humanité. Un bien fou, vraiment. La prochaine fois, je vais péter la gueule à l'insomnie.
Petite chronique des grandes hontes -10- On s'en fish ?
Sans cultiver outre mesure le passé, il arrive parfois que me reviennent d’anciennes années, si loin si proches, comme le temps passe et mon dieu et à part ça, ça va.
Plusieurs décennies plus haut, je travaillais à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, dans un centre de Formation réservé au personnel technique (les ouvriers, en clair) situé à l’hôpital de Bicêtre. J’habitais alors notre bonne vieille capitale. Je sais, l’entrée en matière n’est pas vibrante mais elle s'avère indispensable à la compréhension de ce qui suit.
Les jours supposés normaux, je me levais tôt, envoyais après réveil, petit-déjeuner, et câlins mon fils ainé à l’école, puis m’occupais de mon deuxième garçon, minuscule petite bourrasque d’un an à peine, que je conduisais chez sa nounou à trois rues de là avant de m’engouffrer dans le métro pour me rendre à mes tâches d’organisatrice de formation, et de formatrice. Au passage, ce furent des années heureuses professionnellement ; je n’ai jamais eu d’auditoire plus attentif, plus drôle, plus respectueux et motivé que ces hommes qui revenaient « à l’école » à plus de quarante ans pour certains, et j’en ai gardé des amitiés qui durent encore.
Mais il y eut des jours moins ordinaires : ceux qui commençaient mal pour un tas de raison, se continuaient mal pour un tas d’autres, et finissaient médiocrement car marre de cette saloperie de saleté de journée de bon sang de mâerde.
Pour être tout-à-fait honnête, je n’ai pas le moindre souvenir du pourquoi ce jour-là démarrait dans l’urticant ; mais je me rappelle avec acuité que j’urticais, et pas petit. Ma révolte ayant crû de façon considérable pendant le trajet, J’étais entrée dans les bâtiments avec un besoin de me passer les nerfs qui relevait surtout de l’envie d’en découdre.
Signifiant : le premier qui me faisait la moindre remarque se voyait plaqué au sol avec mon croquenot sur la gorge.
Arrivée à mon bureau après une pause dans la « salle des profs » pour un café bougonnant, je retrouvai avec une impatience molle la liste des appels à passer, des trucs à faire, des choses à prévoir. J’avais une heure devant moi, la suivante étant d’ores et déjà remplie par une intervention devant vingt-cinq gars à qui je devais rappeler les accords du participe passé en essayant de faire en sorte qu’ils s’ennuient le moins possible. Quand je vous dis que c’était des courageux.
Je distinguai alors dans la liste des appels urgents, une personne que je devais contacter toutes affaires cessantes, un homologue en quelque sorte mais travaillant dans un lycée professionnel, lui, et susceptible d’intervenir dans la partie technique pour les plombiers chauffagistes, ce qu’avec toute ma bonne volonté j’eusse été incapable de faire.
Etouffant un soupir d’agacement anticipé parce que je n’avais aucune envie de téléphoner, je composai le numéro. Une voix secrétariale policée me répondit bonjour et que puis-je faire pour vous, jusque-là tout allait bien.
- Bonjour madame, je souhaiterais parler à monsieur Colin.
-…
Le silence se prolongeant, je renouvelai ma demande, mais d’un ton moins affable, avec une petite pointe d’agacement subtilement calculée. La secrétaire, là, si elle me gavait trop, elle allait voir ce qu’elle allait voir Madame, je suis désolée mais nous n’avons personne de ce nom, ici, vous êtes sûre que c’est chez nous que vous…
Elle m’énerve, je lui coupe la parole et lui dis avec non plus une pointe d’agacement mais une lance de tournois de deux mètres vingt Vous êtes bien le lycée professionnel Machin ? Oui, madame Vous avez bien un intervenant pour les plombiers chauffagistes ?
- Oui madame, nous n’en avons qu’un c’est notre seul enseignant sur ce volet
- Alors passez le moi, qu’est-ce que…
Elle ne me laisse pas finir, et c’est elle, cette fois, qui met dans sa voix une pointe de quelque chose. Je n’ai pas de mot idoine pour qualifier la susdite : un mélange… comment dire… d’ironie goguenarde dans un froid polaire.
Et elle prononce en détachant les syllabes :
-Ne quittez pas, madame. Je vous passe monsieur Rouget.
Le cours sur les participes n’a été que pétales de roses, mousse, pampre et miel.
Char-mante.
Un seul désert
Un jour, j’échangerai
Toutes les nuits qui dorment en moi
Contre celles du dehors
Toutes les nuit des autres
En un seul désert
Une nuit, je partirai jusqu’au sommeil
Pas de rêves,
S’il vous plaît
Aucun
Ainsi pas de blessure
Et l’oiseau-cicatrice
Ira voler les grains qui ne lèveront pas
Pas plus que l’aube
Et je cesserai d’avoir mal.
Mais la musique respire encore
Partout
Les ailes de l’oiseau battent ces notes là
Qui chantent comme la mer le fait, en démesure
C’est là, à l’intérieur
L’obscurité avance
J’étais lumière, je n’en voulais pas
L’obscurité me sourira après la ligne, et la ligne ne recule pas.
Toutes les nuits des autres, en un seul désert.
Petite chronique des grandes hontes - 9- PABLO...
Je suis dans un appartement occupé il y a des décennies, lors d'une autre vie. Tout est resté intact, je sens sous mes pieds le contact de la moquette verte, je vois la toile de jute au mur, la fenêtre en rotonde.
Il fait nuit noire, mais ça ne me gêne pas le moins du monde, je vois très clair, merci.
Soudain, je distingue un enfant. Un petit de trois ans et quelques. Il ressemble à ma petite-fille, ou à son père petit... C'est un subtil mélange des deux ; enfin, cet enfant inconnu m'est quand même familier, même s'il n'a pas de nom.
Il me regarde et ses yeux immenses reflètent une telle détresse que j'en ai l'estomac qui fait des huit. Je lui tends les bras, je le serre, et il me dit "ne me laissez pas là, parce que Pablo veut que je dorme dehors, et j'ai froid. Si Pablo voit que je suis là il va me jeter dehors il fait trop froid, s'il vous plaît, pas Pablo..." que ce môme de trois ans s'exprime comme un adulte est normal, comme le fait d'être dans un lieu où je n'habite plus depuis trente ans.
Soudain, je sens Pablo présent, sans le voir. Je veux crier sans y parvenir, je me mets devant le gamin, cette enflure de Pablo ne touchera pas à un seul des cheveux du gosse. Pourtant la présence se fait de plus en plus lourde : un concentré de malveillance, une dangerosité palpable, la mort en marche.
Je pète de trouille, mais Pablo, s'il s'approche, je le castre à la lime à ongles sans anesthésie.
Je me dis qu'en forçant, je vais enfin pouvoir crier. Il faut que je puisse crier pour que la Présence se calte. Je me rassemble, le petit toujours derrière, accroché à ma cuisse.
Et enfin, l'air sort, la voix revient, et je hurle à m'en pulvériser la glotte :
PABLOOOOOOOO !!!!!!!!!!!!!
Noir.
Silence dans la chambre, où je viens de me réveiller le cœur en charpie et les jambes molles. Ce n'était qu'un rêve, mais pesant; j'en tremble encore.
Je respire un grand coup, histoire de me rendormir, si je peux.
Mais une voix nette, coupante, et pour tout dire à peine aimable tranche le silence nocturne à la hache.
La voix du monsieur qui dort avec moi depuis un bout de temps.
Cinglante, précise.
Un poil soupçonneuse.
Inquisitoriale, même.
- C'est qui, Pablo ?
- Heu...