Putain d'ange
L’humanité qui boite au mur
Appuie ses rêves en haillons
Sur le béant de ses blessures
J’aimais
Hommes touchants de mésusage
Toucher
En fée des chapardages
Vos corps tendus
Vos mains-carnages
Je happais depuis la fenêtre
Où je guettais
Vos pas-sonnettes
Votre montée vers mon étage
J’aimais
Ombres de maris ô marins
Voguer
Sur l’ombre de vos reins
Mes bras dressés
En étendard
Déplier loin votre regard
J’aimais
Mordre dedans vos solitudes
Clouer le rouge sang des lèvres
A l’ourlet
De vos phrases blêmes
Vos râles froissés comme un drap
Entre mes cuisses de combat
Sous ma peau
Mes muscles de chèvre
J’aimais
Oui j’aimais tout cela
Reine pute dans la lumière
Guettant vos cris sous ma crinière
J’aimais
Vos morsures
Vos entraves
Vos lâchetés
Mes rats de cave
Vos larmes sans enfance, o gué
Et ce poignard
Que je cachais
Pour vous épingler de sa lame
Pour recueillir en un baiser
Le tout dernier
Rebond
De l’âme
Vos agonies
Superposées.
Inventaire
Ici les barques, là les bouées.
Ici les gilets, là les rames.
Ici ce qui va nous sauver, à moins qu’au cœur de nous se trame l’idée de tout abandonner…
Ici les bouées, là les barques, les rames pour nous emporter,
Mais où ? Vers quel drame ? Vers quelle île d’éternité ?
Quand la solitude ricane, envers et contre la marée
malgré cette vie qui s’entête,
cette survie
du naufragé.
Ici les bouées, là les rames,
et ces paroles étouffées,
ces gilets posés sur l’épaule, qui font la peur plus accrochée,
et même si ce froid renonce,
si la vague porteuse de mort soulevait des ressuscités
Ici la barque,
Là les rames
Moi je t’appellerais encore
Vivant malgré moi, malgré elle,
Je crierais sur le vent ton nom
Vivant sauvé
Par les bateaux,
Par les rames,
Par les barques
Par les gilets
Je crierai sur le vent ton nom
La solitude en bandoulière
Sorti du gouffre sans mes ailes
Ici les barques
Là les rames
Perdant sans fin ma vie sauvée
Et la perdant à te chercher.
Les cailloux des rivages
Les cailloux des rivages dessinent une ombre dans l'eau.
Un palais de mosaïque, poème en prose minérale, et la musique de la terre
crie tout autour ; celle-là même qu'on ignore, la musique des berceaux.
Les arbres meurent à peine, ils y mettent le temps.
Et la forêt s'essouffle, debout quand même.
Pendant ce temps les hommes peinent, et haïssent. Leur obstination vaine est celle des fous qui savent la mort et la refusent.
Alors, l'immortalité inutile éclate en scintillants ricanements.
Dérisoires nous, qui rions malgré ou sous la grêle, tremblotants de tout notre pâle statut de fourmi.
On boîte. Tous ces mondes sur nos épaules...
Exsangues, et pour cause. Sans substances, reflets de miroirs coupés des sources, on regarde sans y croire notre sang couler partout ailleurs.
Un jour, peut-être, un chant déchiré changera les choses.
Peut-être.