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La nuit en couleurs

Les enfances, sauf...

Joëlle Pétillot #poésimages

Il ne restera que des rêves

Joëlle Pétillot #poésimages

Petite chronique des grandes hontes 5 : redoutons les 3 suisses.

Joëlle Pétillot #Petite chronique des grandes hontes

Certains jours, il y a complot. On ne discipline rien: ni ses gestes, ni les évènements, ni les gens: tout nous échappe, désobéit, se dérobe, se dépoile pour ne plus laisser que l'os à ronger de ce qui aurait du se passer. Aurait pu. Si seulement...

Le matin, le facteur sonne, pour déposer un colis. Un colis de la R... ou des 3S... vous savez, les filles, ces usines catalogales à sihouettes fantasmatiques, où la Petite Robe Parfaite, projeté sur l'écran idéal de Notre Personne, Nous sied comme un gant dans la zone du cerveau réservée à cet effet (on appelle ça l'imaginaire) et va provoquer, chez l'Elu qui partage Notre toit :
Au pire : que-dalle : "Tu l'avais pas déjà ? "
Au mieux, en l'occurrence seule prospective admise, -à mauvais entendeur, gros soucis- une marée de bave chez l'intéressé.

Au moment de l'achat, on a cliqué d'une souris fébrile sur les coordonnées diverses.
Depuis, on a attendu.

D'habitude, quand le facteur sonne, on n'est jamais là. On travaille. On rentre le soir, on trouve un avis, on se rend à la poste en galopant pour se trouver, vite, vite, récipiendaire du Saint Objet, qui roupille bien au chaud dans on emballage mou; on est certes corrodée par une journée lambda, pas franchement extatique à l'idée du "qu'est-ce qu'on mange" vespéral, mais la Petite Robe Parfaite est là, qui nous attend. On sourit au postier qui s'en fout, on récupère le machin, on l'essaye en douce, tout va, on range pour la surprise, youkaïdi.
Voilà ; ça, c'est quand tout se déroule... comment dit-on déjà... ? "normalement."

Mais certaines matinées ne sont pas des matinées.
Juste des pansements.

Je vous la refais rapido : l'on a commandé...etc...etc..., l'on attend, etc...
Ce jour là, allez savoir pourquoi, on ne travaille pas. On savoure un petit déj dans la maison vide, en prenant tout son temps, ô journal lu ligne par ligne sans regarder la pendule, ô thé qui fume et odeur chavirante du pain grillé, pot de confiture maison là, juste sous les yeux, beurre salé jaune doré dans son papier bleu...

Dring.

On tend l'oreille.
On regarde discrètement. C'est le facteur, avec le colis mou.
Qu'il va falloir aller prendre de ses mains, donc sortir de la maison.
Pas douchée.
L'oeil gonflé de sommeil.
Le cheveu vaguement hirsute, le pyjama tire-bouchonnant.
Les pieds dans des chaussons qu'on adore traduction : informes et délavés.
En clair: qui va aller recueillir dans ses pauvres mains la Petite Robe Parfaite ?
Réponse étranglée : un pot à tabac en peignoir dont les fils pendouillent ; eh oui, l'éponge vieillit mal.
En signant avec humilité le papier, on lève le nez sur le facteur: beau comme un dieu, le type, un athlète, bien droit sur sa pétrolette. Et gentil, en plus. Il nous regarde en prenant soin de ne pas avoir l'air effondré. Sympa.
On rend le stylo, on a le paquet mou au bras, on fait demi tour, et le voisin qui ne passe jamais dans la rue à cette heure passe. Et nous salue.
On répond un truc du style "bwjouwr", on rentre.

La porte se referme sur un écroulement.

Evidemment, une fois remise et le colis défait, la Petite Robe Parfaite ne vaut pas du tout ce que de droit.
Et la destinataire s'avère bientôt aussi défaite que le colis.

Soupir.

Certains jours, il y a complot.

Petite chronique des grandes hontes 5 : redoutons les 3 suisses.

Les jeux-démos

Joëlle Pétillot #poésimages

Banque, banque. Petite chronique des grandes hontes, 4, hélas.

Joëlle Pétillot #Petite chronique des grandes hontes

 

Les banques constituent des lieux glacials où officient des robots.

Pourtant, il arrive qu'on s'y rende en sifflotant. Ce jour là...

 Ce jour là, au chaud dans ma bonne vieille voiture rouge, j'avais mis à profit la pause-déjeûner pour me rendre dans le lieu-glacial-où-officient-des-robots afin d'y récupérer un chèquier.
Plus démentiel en matière d'aventure ... On frémit.


Quelque chose, pourtant, me rendait euphorique. Toute à ma joie, je beuglais avec la radio je ne sais quel tube oublié depuis.

Car je venais, avec  l'Amie, de projeter une semaine de vacances à deux à Venise. Elle et moi loin de tout, et la perspective de planter là l'homme de ma vie et mes deux garçons pour aller parcourir en filles les rues magiques de la Cité des Doges, sans repassage ni caddie à pousser, me donnait des ailes.

Venise


Arrêt sur image : parlons un peu de l'Amie.  Savoir pourquoi on aime les gens revient à ne pas les aimer, glissons donc sur l'analytique, aucun intérêt.
Elle et moi partagions un nombre certain de points communs, à savoir plusieurs enfants en plusieurs papa, un grand choix de patronymes sur notre boîte aux lettres (rapport aux plusieurs papa etc...)  plus une tendance gênante (pour les autres) à se bidonner à grand bruit.
Des différences ? Plein. La plus notable : elle était en nage par douze degrés, quand je grelottais à 24. Ce qui n'a pas changé, et trente petites années plus tard, avec une logique qui nous est propre, elle a choisi d'habiter dans le sud quand je rêve de vie en Bretagne. Allez comprendre.

Nous nous étions rendues dans une agence pas loin après avoir ouvert un cochon¹, et disposions de nos billets de train pour l'expédition quelques semaines plus tard. Toute à la perspective,  je conduisais avec une sérénité  indestructible -ce qui a du m'arriver deux fois dans ma vie- et réalisais qu'outre ce motif de béatitude, il s'en trouvait un autre : nous étions vendredi.
Je me garai donc devant la banque avec une maestria insoupçonnée et pénétrai dans le lieu glacial avec de petites gondoles plein les yeux. Je me plantai devant le guichet, expliquai à un Monsieur Sérieux la raison de ma présence. Notons, pour la compréhension de ce qui va suivre, que l'usager à l'extérieur du comptoir est toujours légèrement plus haut que le préposé qui prépose de ce fait à un niveau légèrement inférieur... L'aspirine, c'est là.

Le Monsieur Sérieux me demanda une pièce d'identité que je voulus lui tendre avec l'enthousiasme corrélé à l'état décrit plus haut : car dans ma bulle les oiseaux chantaient dans les feuillages lumineux, et j'entendais le bruit de la mer et voyais les reflets de la lagune danser sur les pierres vénérables.
Parfaitement.

Mon sac à main posé sur le guichet, je voulus en extraire la pièce demandée, laquelle résista, sans doute coincée par un monceau de machins.
Au passage, je laisse aux représentants des porteurs de baloches l'entière responsabilité des éventuels commentaires sur les sacs à mains féminins et leur réponds d'emblée que flûtre.
Afin d'en terminer avec ces formalités, je tirai d'un coup sec sur l'objet, entraînant dans mon élan un des machins qui jaillit du sac dans un mouvement vertical accéléré, pour ralentir
avant d'amorcer le mouvement contraire comme le veut la triste loi du genre, et atterrir de l'autre côté du comptoir sur les Dossiers Très Importants du Monsieur Sérieux.

Plic.

Ce léger bruit, cet imperceptible froissement m'a résonné aux oreilles longtemps après.
Ma plaquette de pilules (oui, je sais, qu'est-ce qu'elle foutait là ? ) venait de se poser avec une grâce de danseuse, sur les papiers d'un préposé. A la banque.
Devant un bipède hominidé qui attendait, non pas derrière moi comme cela aurait dû s'il existait la moindre justice en ce bas monde, mais à côté. 

pilule


Le Monsieur Sérieux me la restitua  avec un étirement labial si discret que le nommer "sourire" tient de l'hyperbole.

Mais il prit le temps d'articuler en me regardant au fond des yeux :
- Ça peut être utile.

Je suis sortie de la banque, j'ai démarré en gardant le frein à main enclenché, j'ai laissé la voiture ouverte sur le parking en bas de chez moi.
Tout était redevenu comme avant.

Quand j'ai narré l'anecdote à l'homme de ma vie, il m'a conseillé gravement de placer le chèquier dans la table de chevet.
Vu où je rangeais ma pilule...


¹Ouvrir un cochon signifiait pour elle et moi amorcer les économies nécessaires pour s'offrir une escapade.  Cochon étant entendu ici comme tire-lire, on l'aura compris. 



 

 



 

 

Banque, banque. Petite chronique des grandes hontes, 4, hélas.

L'avis du rail... Honte ferroviaire. Petite chronique des grandes hontes, 3. Clap.

Joëlle Pétillot #Petite chronique des grandes hontes
Ça s'est passé il y a très longtemps.
C'est un souvenir féroce. Ferroviaire aussi. Un train m'emportait alors, après une rude journée de travail et une nuit fort courte l'ayant précédée : rien d'inavouable, juste une fête joyeuse entre potes et potesses. Le monde refait à nos couleurs, on s'était tous couchés aux petites heures avant d'enchaîner sur une journée de taf un peu plus hébétée que la moyenne, sans plus.
Ladite journée enfin finie, je montai dans ce train qui filerait vers mes côtes armoréennes bien aimées, où m'attendait mon petit garçon.
Nous étions au cœur d'un juillet doré, alanguissant Paris d'un éclat d'or. Libre de mouvements puisque rendue à ma liberté pour cause d’enfant gardé en province, j'en profitais sans états d'âme sachant ma prolongation :
- bichonnée par ses grands-parents,
- au bord de la mer,
- nourrie de crêpes,
- submergée d'amour.
...ce qui ne supporte pas la comparaison avec un centre de loisirs nécessitant de le faire lever tôt, de se rendre au sein des murs de l'école où des animateurs, si compétents soient-ils, parviendraient à grand peine à faire oublier à des gamins bien moins chanceux que le mien que leurs vacances n'en étaient pas tout-à fait.
J’œuvrais professionnellement en plein centre de la capitale, et gagner la gare Montparnasse, bien connue de tous les celtiques ou assimilé, était un jeu d’enfant.
Impatiente de revoir ma boule brune après deux bonnes semaines, le devinant doré sur tranche et claquant dans sa peau, ce fut donc dans cet état de fatigue euphorisée que je m’engouffrai dans le compartiment, consciente d'être encore sanglée dans mes habits-travail, le sac ayant passé la journée au vestiaire pour cause de train à ne surtout pas rater. Jupe crayon-talon haut, corsage blanc léger.
Ces détails sont d'une importance réelle.
Enfin, pour moi.
Je m'assis avec un soupir dans le siège près de la vitre, sentis que quelqu'un s'installait en face à ma parfaite indifférence, tant ma hâte à revoir mon petit bonhomme me rendait aveugle et sourde à tout ce qui n'était pas le départ de ce foutu train.
Lorsqu'enfin il démarra, je consentis à lorgner d'un oeil morne le bipède d'en face.
Et faillis littéralement crier.
Jeune. Beau à tomber, classieux dans un costume soigneusement-sport-savamment froissé-mais-pas-trop, la barbe naissante exprès pour l'ombre magnifique sur son visage Caravagien, l'œil azur posé sur un journal, la lumière jouant exactement sur sa pupille comme pour servir encore mieux Son Apparition...
Une pub sur pied.
Mais quand on les voit en vrai, ça fait un truc, quand même. La beauté en magazine, relève de l’urticant ; alors on s'abrite derrière les photos trafiquées, le maquillage, gnigni.
Dans la réalité, la beauté brute a quelque chose d'insultant.
Il suffisait de croiser les regards aussi lourds que furtifs lancés par d'autres usagers mâles, au charme moins affirmé - la bedaine tendant le tee-shirt et pour quelques uns, une transparence mal vécue sur le plan capillaire- ils n’en constituaient pas moins des spécimens attachants. Mais il eût fallu du temps pour en apprécier les contours. Et le vouloir.
Quand l’évidence de cet homme sautait à la gueule de tout le wagon...
Ma vie remplie à l'époque me fit exclure sans effort de tenter quoique ce fût. Et quand bien même j'eusse été disponible, cette timidité qui était mienne...
Mais le visage et la grâce me fascinaient. Afin de n'en rien montrer, je me jetai dans la lecture .
Je me souviens du livre : Belle du seigneur.
Alors, il se passa quelque chose de terrible.
Bercée par le chant du ballast, terrassée par le manque de sommeil, la journée rude, que sais-je encore, je m'endormis.
Un seul avantage : le temps passa vite et mon trépignement dû au manque maternel en fut calmé.
A mon réveil, je compris.
Oh, la joie aurait du me submerger : nous étions parvenus à Laval, j'avais survolé deux stations dans mon sommeil. Les retrouvailles se rapprochaient.
Mais...
...Le mal de gorge.
Ce putain de feu aux amygdales, bien trop reconnaissable et qui criait à mes tympans tétanisés : "Tu as ronflé à mort."
Eh oui. Ma chance, d'habitude, c'est que l'homme de ma vie s'endormait en un millionième de seconde, sitôt le contact avec l'oreiller. Cela lui évitait ce pénible constat qu'il roupillait avec un diésel marin.
Le col du corsage, ensuite.
Pas humide, ni mouillé.
Trempé grave, comme disent nos djeunes.
J'avais bavé. Si si. Et qu'on ne me parle pas de filet.
A ce degré de détrempe, c'était tout le cabas...
La-figure-de-mode-en-vrai ajoutait à sa lumière intérieure une qualité que je pressentis immédiatement : au regard que je surpris, à la fois désolé et un peu confus, je perçus qu'en plus il était gentil.
Je me suis redressée, j'ai chaussé mes lunettes, pris mon livre, l'ai reposé, fait celle qui va se dégourdir les jambes en longeant l'allée centrale d'une allure que j'aurais adoré féline sur mes talons aiguilles qui en l'occurrence ne surélevaient rien d'autre qu'une inexprimable honte; mais au moins m'accrochai-je ainsi, avec ce pauvre moyen fluet et dérisoirement femelle, à un triste lambeau de dignité. Le jeune homme est descendu à Lamballe, ça ne s'invente pas. J'ai retrouvé mon petit garçon un peu plus tard, dans la joie.
Par contre, j'ai attendu un certain temps avant de remonter dans un train.
L'avis du rail... Honte ferroviaire. Petite chronique des grandes hontes, 3. Clap.

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