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La nuit en couleurs

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Le chant des multitudes

Joëlle Pétillot #poésimages
Le chant des multitudes

Le chant des multitudes

l’autre rive, brume

un jour terrible on crèvera le brouillard

tout peut attendre

le pire de l’obscur

la clarté folle

le doux ronron

petit chaos sur du vivant

depuis la face cachée

du vent

 

 

le vaste rot des profondeurs

tout remonte

ce qu’on a jeté dans le puits

les clés du monde

les failles de roches inconnues

l’ennui des premiers jours

l’aube froissée tuée de sommeil

la peau

les jambes entremêlées

 

faut-il rêver en exorcisme

ou tendre vers

il y a comme un faire semblant

qui rend l’âme coupante

et la cisèle

 

 

le soi-même, pâle statue

la beauté des scories

petites chutes fondatrices

où allez-vous après le saut ?

 

S’il faut rêver, rêvons.

 

Je me souviens d’un corps, d’une voix

quand tout le reste a passé

il faisait beau

sur nos baisers

 

un pont, un fleuve

jamais les deux ensemble

le regard ne porte pas assez loin

 

porte cochère,  pluie

regard jeté sur un jardin clos en plein paris

Alors fleurit le brin de cour

 

tags, visages empierrés

ombres décalées

madones de trottoir

ponctuation des rues

clouées sur les portails

 

il y a une étrangeté dans le bruit d’un percolateur

on l’entend dans le mot même

percuté calculateur

dont le café brûle un peu

vivre c’est voir ça aussi

 

respirer la ville

la baiser sur les lèvres

en attendant un bus

l’amour viendra après, plus tard, toujours

 

c’est la nuit qu’on l’entend le plus

le chant pluriel

polyphonie bavarde

silences d’antiphonaires

veillent les chats et les lumières

plantés au milieu du sommeil

on joue au mort

les étoiles et nous tous pareils

 

le soleil dort.

 

 

 

Libre libellule

Joëlle Pétillot #poésimages

Beauté du Diable (La chute)

Joëlle Pétillot #poésimages
Beauté du Diable (La chute)

L’idée de cette lumière tenue de Toi m’était insupportable. Ces dix mille étoiles à mon front par ton seul vouloir m’écorchaient comme une brûlure.  Je suis un ange qui sait la douleur.

Je tomberai avec un sifflement de serpent, avalé par la nuit qui est aussi ton œuvre. Ainsi entrerons-nous, ma rage et moi, dans les ténèbres.

À ton troupeau d’ailés louangeurs, il fallait quelqu’un qui s’oppose. J’ai dit « Me voici ». Ce n’est pas Ta volonté qui conduit ma révolte, c’est la mienne. Il y aura l’éternité de ma colère sur le monde, et les hommes auront peur.

En tombant, je deviens ton égal. Je deviens autre, l’Autre,  l’Adversaire. Ma délivrance de Toi ancrée dans l’amour des humains je descends.  Vois, je tombe déjà si profond que je leur deviens accessible ;  ils m’aimeront plus que Toi.

À ta paix béate je préfère le gouffre, riche de possibles, dense à traverser. Tête en bas, voici la joie à perdre l’étoile, les ailes, la beauté. Plus rien que ma nudité d’ange, l’air froid, la paix réelle à être plus loin de Toi chaque seconde, et, à chacune d’elle, la joie.

Dépoussiéré, enfin. Plus que le cœur du cœur de ce que je suis, plus de marque aux épaules, le front lisse de toute pierre. Plus rien de Toi, et autant de pouvoir.

À toi jamais rassasié de soumission, j’apporte enfin la rupture dans le fleuve Éternité. Je deviens Ton évènement. Ton cas.  Au moins, j’aurai choisi. Celui qui viendra un jour ne choisira rien et mourra sur une croix juste parce que Tu le veux. Quel père demanderait cela ? Et pourquoi ? Après son supplice, toi et moi savons que rien ne changera.

Les humains sont fragiles, irritants, prévisibles, geignards, mais ce sont de merveilleux vivants. Je serai une silhouette, je le suis déjà, l’ange que je demeure ne fera que respirer, mais ils se réchaufferont à ce souffle-là. J’incarnerai Ton abandon, comme le noir n’est pas la couleur mais son absence.

Je serai là, comme je l’ai toujours été, d’une façon ou d ‘une autre, ce qui fait de moi Ton pareil.

Et tu te tairas. Tu ne sais rien faire d’autre.

L'or sur le verre

Joëlle Pétillot #poésimages

Sans boussole

Joëlle Pétillot #poésimages
Sans boussole

Quelqu’un fait de constance et de respiration a passé

dont les veines coulent comme des fleuves.

Lui survit un battement d’étoiles

ou peut-être rien.

 

Possession, lente et malade signature.

 

Rester, juste rester

au milieu de soi

le plus nu possible.

 

Le temps tressaute

sous les doigts pliés,

l’enfermement

ne sera jamais la réponse.

Défaites vous

Joëlle Pétillot #poésimages
Défaites vous

La maison porte son cœur d’automne, alenti sous une pluie fine poudrant les fenêtres sans un bruit. Dehors un gris têtu arase le jardin de son absence de roux, de lumière, de nuance. Ne brillent plus  qu’un reste de vert mouillé, un arbre malheureux, les fleurs orphelines. 

À l’étirement des heures on mesure combien la lenteur s’invite , jusque dans les odeurs. La saison se veut longue de parfums qui s’attardent : flambée difficile à prendre, gelée de coings, gouttes note à note avant la cuisson finale, patates d’entre chien et loup dont la robe épluchée forme un tas terreux. Ce long déshabillage laisse à la peau une senteur de jardin, un relent de rivière, d’humus, d’herbe tombée. Bientôt  la soupe gagnera les narines.

Entrez, défaites vous.

Comme elle semble désuète, cette invite. Qui dit encore cela ? Pourtant, quelle justesse.

Entrez, posez le lourd, larguez les failles, les regrets, le pesant ou la honte, et prenez, prenez tout, la flamme, les senteurs, les pluches, le luxe du temps qui passe en conscience. Défaites-vous de la vie qui presse, du pas de l’hiver juste au milieu de la lumière, colmatez les morsures,  posez-vous dans le calme des choses. La cheminée raconte, les murs boivent, le thé a rejoint la lenteur du reste, infuse joliment.

Défaites vous.

La fenêtre voilée, miroir, accueille la lampe ronde en écho et fait du tas de bois un porte-fruit étrange. Schubert s’est invité. Ses notes disent, la réponse fredonne. On s’entend bien tous les deux. L’automne au piano sonne comme un avril. Les souvenirs peuvent se pointer, la mélancolie se faire les griffes. Rien ne prendra que la vie du moment, le vague sourire du gris qui ne pense pas à mal en s’attardant dehors.  Posez vos gris à vous sur celui-ci, laissez-vous voler par sa bienveillance.  Il suffit de regarder dehors depuis ce dedans qui balance et suspend par la bouche, les oreilles, le nez, l’être qui regarde, écoute, déguste ces silences dans une journée d’automne indéfinie, où il ne se passe pas grand chose.

Mais voici : ce pays-là est tout le contraire de rien. 

 

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