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Vienne la nuit
Vienne la nuit et l’être qui tremble au milieu, s’il nous ressemble, doit lutter. Morbide volupté que le sommeil du monde, à ne pas y plonger, à relever du vertical, à piétiner les paupières closes avec un relief inquiétant.
Vienne la nuit et je répète ma mort, vienne la nuit et d’autres me manquent, vienne la nuit et j’ai peur du néant, vienne la nuit et je n’aurai pas assez d’elle pour haïr, ou aimer trop.
Vienne la nuit et quelqu’un entre dans ma peau avec les dents. Ce serpent nourri de mes lambeaux hurle avec ma voix ; l’enfant que je reste appelle dans le noir quelqu’un qui ne vient pas, jamais.
Vienne la nuit et le vent bascule, audible de ma maison fermée où les verrous ne protègent pas des monstres. Mon cerveau coasse et rampe parce qu’en dépit des lumières, l’obscurité veille et absorbe.
Le sang de la nuit bat à mes oreilles, se répand sur le sol, encombre l’âme avec une joie mauvaise, va gratter, fouiner, creuser pour faire remonter la boue, toutes les boues cachées dans le paraître du jour. Ainsi ne serait-on jamais. L’humain-humus, de jour, paraît.
Ne pas rater les coutures de l’habit lumineux.
Bien rentrer dedans ce qui ronge : le verdâtre, la saumure.
Ainsi va le sang de la nuit, qui coule et pue.
Vienne la nuit et les ennemis se dressent, où que l’on soit. Le plus grand voyageur, le pire des déracinés, l’être qui danse, le nomade, trimbale toujours le pire des ancrages : lui-même.
Vienne la nuit qui détricote le paradis au rasoir. Avec ce bruit à l’intérieur, crissant murmure d’une page qu’on déchire, lourde de mots absents dans une langue qui dépasse.
Vienne la nuit et le miroir est difformant. Surtout, faire mieux que ne pas se regarder dedans : ne pas s’y voir. S’effacer, disparaître, tomber.
Trouver le bon puits, et sauter.
Pourtant…
Vienne la nuit et l’aube nous appartient comme une attente.
Ce nom