Aimer un livre et le faire savoir n’est pas chose aisée, quand on connaît l’auteur ; encore que ce terme de « connaître » s’avère inapproprié, une vie n’y suffit pas toujours. Mais voilà : dès que nous nous lûmes, nous nous plûmes, et ceci se conforta quand nous nous appelâmes, puis nous vîmes.
Oui.
Si l’on me demande etc… je répondrai… parce que c’est lui etc…
Qu’on se rassure, j’entends développer.
La poésie d’Eric Costan n’est pas de celle qui s’apprivoise : elle vous saute au nez. Parce qu’elle incarne la vie même. Lorsque la seule réponse est demain parle de déchirures, d’amour heureux ou pas, de nature, de magie, aussi – Ah, le poids léger de Corto Maltese, du jazz, des odeurs de terre d’où se relèvent des pas quasi elfiques- bref, la question à laquelle le mot demain répond est la plus vieille qui soit au creux de l’âme humaine.
C’est aussi, et beaucoup, une poésie de ruptures. Ruptures de ton qui promènent le lecteur d’un pôle à l’autre en très peu de mots :
Les fleurs, les soleils, les sourires
Les gelées noires ont tout bruni
Et plus loin :
Parfois du bleu sous la fenêtre
Et toujours
Toujours la musique
On se pose un peu, on respire, et puis :
J’attends sous ma cendre
Pense à souffler
De temps en temps
Nombreuses sont ces alternances, comme si la sérénité n’émergeait qu’au prix de cassures. Mais réfléchissons deux secondes en comptant large : n’est-ce pas le cas de toute vie ?
Gardons-nous malgré cela de croire que la noirceur domine un recueil qui compte surtout des perles de sensibilité, selon un fil déroulé à même la peau de l’auteur, à même sa substance profonde, au plus près de sa tripe. Ce livre est un chemin où le marcheur est visible, audible, presque palpable y compris quand il parle de désincarnation :
C’est pourtant léger, les rêves
Épinglés à chaque épaule
Ils trouvent toujours un ascendant
La femme rêvaimée, la femme tout court, mi-ombre, mi-fée, mi-sorcière (trois « mi » font plus qu’un tout, et alors ?) passe en laissant ses cailloux sur le fil du livre, funambule redoutable et légère :
J’ai toujours voulu rester
Le fils du ruisseau
Et ne penser qu’à toi
Plus loin, le rêve :
…Et nous ensellés
Baobab l’un de l’autre
Enfin
Puis vient l’ambivalence :
Une fois, juste une fois,
Menace-moi d’amour
Le livre est un vivant écho de terre et de ciel, tissé de mots lumineux où chacun peut puiser une énergie, un sourire, un trait de beauté bon à boire. Ce sont les mots de quelqu’un qui sait écrire un jardin et plante avec talent sa poésie au cœur du lecteur-terreau. Sans OGM. Car…
Tout n’était qu’un pourtant
J’étais le père de milliers de vies
Jardin après jardin
Son blog : http://ericcostan.over-blog.com/