On peut rater bien des choses dans cette vie: un examen, un rendez-vous, un bus, une sortie d’autoroute, un rôti, un poème. Pas grave.
Mais il en est une qui ne se peut louper, en aucune façon, jamais : j’ai nommé le baiser en général, et surtout, LE PREMIER.
Un premier baiser, c’est l’avenir qui tortille du derrière en se faisant aguicheur, la « conclusion » d’un début plus ou moins long mais toujours fébrile, et cette boucle bouclée augure de débuts frissonnants dont la seule perspective vous coule un discret ruban chatouilleur de là à là, entendez de la racine des cheveux à partir du dessous jusqu’à l’extrême pointe de l’ongle des orteils. Lesquels se doivent alors de jouer les bouquets de violettes dans la chaussure, pour peu qu’on en porte.
Voilà.
L’ordre des choses est ainsi réglé, il n’y a pas à y revenir.
En matière de premier baiser, la psychorigidité s’impose.
Tout doit être parfait.
J’ai dit.
…..
J’ai bien failli faillir, il y a longtemps.
J’avais rencontré un être exquis : profil grec, humour dévastateur, yeux mordorés et carrure. Cavalier accompli, non je n’idéalise pas, j’étais raide dingue. Ses cheveux plus que frisés se complétaient d’une fine barbe de même, il était beau tsoin, tsoin, et nous voici cheminant de concert lors d’une agréable promenade parisienne qui se termine sur un banc de square, sous un soleil automnal tchi, tchi.
Jusque-là, tout va bien.
Une minute plus tard, tout va encore mieux, nous nous embrassons. Avec fougue, je dois le dire, mais… tout soudain, je sens quelque chose.
Rapport à une infime rebiquette de moustache à lui.
Qui entre avec un culot sans nom dans ma narine droite à moi.
L’échange à peine commencé, je ne peux EN AUCUN CAS l’interrompre. Je m’accroche donc de mes dix doigts crispés à la chemise de mon vis-à-vis lequel, plutôt content de la tournure des choses, continue la procédure avec entrain.
De mon côté, je resserre l’étreinte à mort, parce que me vient une envie d’éternuer pas possible. Et pour cause, la rebiquette persiste à explorer ma fosse nasale qui frémit. J’aimerais frémir aussi, mais las, vu le contexte… Toute mon énergie s’emploie à ne pas, mais alors surtout pas exploser au pif de mon prince charmant.
Ça gâcherait, convenons-en.
Je me suis accrochée, j’ai pensé à n’importe quoi, j’ai respiré à fond.
ET … j’ai réussi. Traduction : j’ai bel et bien éternué, - vous imaginez le tsunami, vu l’effet retard- mais à un moment décent, honnête, acceptable.
Soit une trentaine de secondes après que nos lèvres fussent séparées.
Ouf.
Et alors, un qui a été super, (je parle du baiser), ça a été le deuxième.
Un velours.
Embrassez-vous comme des fous, le plus possible, à bouche éperdue, souvent, longtemps, rien n’est meilleur pour la santé.
Mais pour l’amour du ciel, avec l’assurance de naseaux bien dégagés ; ça réduit l’angoisse.