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Petites chroniques des grandes hontes - 34 - Ça s'arrange pas.

Petites chroniques des grandes hontes  - 34 - Ça s'arrange pas.

Catégorie : sinusoïdale

Sous-catégorie : «Ça s’arrange pas ».

 

Il n’aura échappé à personne de mon aimable lectorat que j’ai un nez. Lequel a toujours rempli à peu près son office puisque je respire. Et si je ronfle, cela tient, paraît-il, plus du ronron sifflé que du moteur diésel ; je soupçonne toutefois mon binôme nocturne de vouloir préserver par cette affirmation un climat supportable dans le conjugo.

Il n’en demeure pas moins que ce nez m’enquiquine, parce qu’envahi depuis plusieurs années avec une régularité horlogère de diverses gadoues dont je vous passe le détail. J’ai beau chercher la formule élégante pour vous donner une idée de mon enfer rhinoquotidien, je n’en trouve pas. Contentez vous de savoir que je mouche du guacamole, en gros. Voilà. On ne peut pas tout le temps donner dans la poésie ; à ceux qui en seraient marris, je dis : « Brisons là » .

Parenthèse : j’ai conscience d’exposer ici une intimité à laquelle je sacrifie peu sur cet espace. Mais le sujet est douloureux, au propre comme au figuré, et partager ne fût-ce qu’un instant ce qui fait de ma vie, sous certains augures, une vallée de larmes m’est d’un grand secours.

Reprenons.

Suite à un nombre conséquent d’infections, je me décide à aller consulter un praticien, de ceux en qui on place un espoir fou car « spécialiste ». Un ORL, donc.  Conseillé par certains amis fiables, reconnu comme efficient, le sujet est de plus jeune et beau ; ça n’ajoute rien à ses compétences, mais fait de la consultation un moment plaisant, malgré la mèche dans mes naseaux qui doit remonter à la racine de mes cheveux raidasses, m’étonnerait pas qu’elle ressorte en haut du crâne, comme un épi. Conclusion de cette spéléo à l’envers : il veut me revoir et rapido. (juste rapport à l’état de mes intérieurs narinesques, l’innocence même), Je remballe donc mon scanner des sinus, dans lequel se trouve un CD de l’examen, et il ne peut pas lire le CD sur son ordi, et ça l’énerve à juste titre, et il veut me revoir avec ça, dans un autre lieu où il consulte aussi, et où sans doute l’ordinateur est plus affûté que cette bécane de m… qu’on lui octroie ici etc…

Pendant le temps écoulé entre ces deux entrevues, il me recommande de laver à grande eau les trous de mon muffle, ce que je fais avec zèle.

Arrive le jour J, deuxième consultation à Paris, je dois prendre le RER, la gare n’est pas tout près, je dois arriver une demi-heure avant l’heure H à l’hôpital pour remplir les papiers, j’ai environ une heure de trajet etc…  Je pars, sac à l’épaule, tickets de RER en pogne, dossier médical tout bien rangé comme il faut.

J’arrive, je patiente, puisque nous sommes dans un hôpital.

Au bout d’un long, très long moment, j’entends mon nom avec délectation. Il me demande comment ça va, je lui réponds ce que je dois lui répondre, il me demande mon scanner des sinus, je le lui tends, il le regarde, j’attends qu’il mette le fameux CD dans sa bécane, il ne le fait pas.

Par contre, il scrute.

Il ouvre, referme.

Re-scrute.

Il ne sort pas le CD, et me rend le scanner en me disant d’une voix calme : « Madame, je ne peux rien faire avec ça ».

J’ouvre la bouche pour lui demander : « C’est si grave que ça ? » mais il ne m’en laisse pas le temps et rajoute, impérial :

- Vous m’avez apporté une mammographie.

C’est que, voyez-vous, quand j’ai un RER ou un train à prendre, j’angoisse.

J’avais mis bien en évidence ledit scanner pour ne pas l’oublier. Sur une étagère, juste à côté de la porte d’entrée, histoire de le voir en sortant. Mais il s’est écoulé plusieurs semaines entre les deux rendez-vous.

Au jour J , j’ai donc été le chercher, très fière de moi parce que je n’oubliais rien, là où je range toutes mes radios depuis le Permien, dans un tiroir côté salon, soit pas du tout où il se trouvait, mais il s’était écoulé beaucoup de temps depuis etc… etc… J’espère que vous suivez. Et ce temps avait effacé le souvenir d’avoir sorti à l’avance le machin.

J’ai donc pris avec sérénité celui du dessus dans le tiroir-aux-radios, n’accordant pas un regard, avant de sortir, à l’enveloppe rigide pourtant posée sous mes yeux et qui me tendait ses petites menottes. Après quoi j’ai sauté dans la voiture pour choper mon RER.

Je lui ai rétorqué une pauvre vanne, au joli ORL, un truc du genre « Eh bien, vous me connaissez sous toutes les coutures ! »  mais je n’ai pas noté la moindre hilarité. Il m’a dit avec un sérieux papal que je devais voir avec sa secrétaire pour fixer une date d’intervention.

Je suis ressortie de là droite comme un I, verticale, digne.

Mais au-dedans, je vous jure que ça ressemblait à mes trous de nez : une ruine.

 

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A
Quel style superbe !
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N
Finalement, ce texte permet de comprendre les liens subtils entre les mamelons et le nez. On dit souvent, bien à tort, que notre nez serait le phallus du visage, mais non, ses deux narines évoquent bien plutôt deux rotondités bien féminines. Il est vrai que le guacamol qui s'en ecoule n'évoque que de très loin le lait nourricier... Mais, après tout, pourquoi pas ?...
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J
Oui, hein ? Pourquoi pas ! Merci Alain !
A
Joëlle; je ne lis pas du tout :-( L'écriture en encre noire sur fond bleu marine, je ne vois rien :-(<br /> A l'aide !
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J
Oui, d'ailleurs ce genre de choses m'est arrivée aussi !
A
Ahh, là, tout de suite, ça va mieux, mes yeux ne sont plus bouchés comme un nez particulier.. La chute est digne d'une nouvelle, ça ressemble un peu à : je fouille dans mon sac à main et je m'aperçois que de sac je n'en ai point, je l'ai laissé dans l'entrée, en revanche j'ai un autre sac en main, celui des poubelles, et je me le trimballe depuis le matin, lorsque j'ai pris le métro.<br /> Guéris ça vite ! C'est toujours un plaisir de te lire, même dans les méandres sinusoïdales du guacamole :-)