La maison est petite mais le jardin respire et la lande le suit. La mer au bout donne au ciel le statut d'invité permanent. Le muret ne coupe pas la ligne de fuite ; l'échappée s'en trouve encore embellie. Le jour est gros de mille lumières, dont les différences dansent quand le regard se posent, du haut de roches millénaires, sur la surface de l'eau. Les chemins parcourus dilatent le regard empesé de vent. Souvent là, le vent; qui ploie le paysage comme le ferait un amant. Tôt ou tard, l'oiseau marin en zébrant son cri aux nuages fait taire le faux silence ilien, toujours hanté de vagues, de sillons, d'ailes battues comme un affolement. C'est une langue neuve, des mots de bruyère et de sel, un soleil rasant vers le soir, sur une mer couchée d'or et lourde de magie. Voir dans l'anse quelques nefs elfiques relèverait de la pure banalité...
Cette langue, je l'ai connue au premier pas, en descendant du bateau.
J'apprends vite.
A découvrir certains lieux, on les reconnaît. Comme les gens.
Un jour vint où il y eut une nuit. Une nuit parfaite, que l'absence d'éclairage public plissait de millions d'étoiles, il suffisait de lever la tête pour les boire, les gober, de tendre un peu le bras, sans forcer, pour les toucher. Plus aucune place pour le noir. Juste une jetée de diamants serrée, la lune en majesté, la mer au loin, visible quand même sous la brillance. Quelque chose dans cette nuit différente rendait le battement du monde palpable, et m'a fait grandir.
Certains endroits, à certains moments, n'ont rien à voir avec la pâle géographie; tout avec la consolation.
Quelque chose de moi est resté.
L'île m'a allégée, et nous dirons que je ne sais pas de quoi, même si c'est mentir, un peu.
Ouessant parle une autre langue.
J'apprends vite.