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Défaites vous

Défaites vous

La maison porte son cœur d’automne, alenti sous une pluie fine poudrant les fenêtres sans un bruit. Dehors un gris têtu arase le jardin de son absence de roux, de lumière, de nuance. Ne brillent plus  qu’un reste de vert mouillé, un arbre malheureux, les fleurs orphelines. 

À l’étirement des heures on mesure combien la lenteur s’invite , jusque dans les odeurs. La saison se veut longue de parfums qui s’attardent : flambée difficile à prendre, gelée de coings, gouttes note à note avant la cuisson finale, patates d’entre chien et loup dont la robe épluchée forme un tas terreux. Ce long déshabillage laisse à la peau une senteur de jardin, un relent de rivière, d’humus, d’herbe tombée. Bientôt  la soupe gagnera les narines.

Entrez, défaites vous.

Comme elle semble désuète, cette invite. Qui dit encore cela ? Pourtant, quelle justesse.

Entrez, posez le lourd, larguez les failles, les regrets, le pesant ou la honte, et prenez, prenez tout, la flamme, les senteurs, les pluches, le luxe du temps qui passe en conscience. Défaites-vous de la vie qui presse, du pas de l’hiver juste au milieu de la lumière, colmatez les morsures,  posez-vous dans le calme des choses. La cheminée raconte, les murs boivent, le thé a rejoint la lenteur du reste, infuse joliment.

Défaites vous.

La fenêtre voilée, miroir, accueille la lampe ronde en écho et fait du tas de bois un porte-fruit étrange. Schubert s’est invité. Ses notes disent, la réponse fredonne. On s’entend bien tous les deux. L’automne au piano sonne comme un avril. Les souvenirs peuvent se pointer, la mélancolie se faire les griffes. Rien ne prendra que la vie du moment, le vague sourire du gris qui ne pense pas à mal en s’attardant dehors.  Posez vos gris à vous sur celui-ci, laissez-vous voler par sa bienveillance.  Il suffit de regarder dehors depuis ce dedans qui balance et suspend par la bouche, les oreilles, le nez, l’être qui regarde, écoute, déguste ces silences dans une journée d’automne indéfinie, où il ne se passe pas grand chose.

Mais voici : ce pays-là est tout le contraire de rien. 

 

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H
Bonjour Joëlle,<br /> <br /> Bien souvent, je n'aime guère les impératifs dans les écrits en dehors des livres de recettes ! Mais voilà que vous me les avez rendus sympathiques grâce à cette si belle atmosphère douce, offerte et paisible… Et ces mots si justes, "ce pays-là est tout le contraire de rien"... Très bon moment de lecture.
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J
Je n'aime pas non plus les impératifs. Mais quand ma mère prononçait ses mots c'était une main tendue. Heureuse de votre lecture. Merci.
E
Joelle ou la mélancolie joyeuse.
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C
justement j'avais besoin de ces mots à 4:18 et du reste je me défais
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S
ce texte me touche, même si il y a un peu de "trop" de tout... c'est délicat, fragile, et bizarrement l'automne pour mon regard est lourd, de mouillé, d'argile collante, de pluies, de boues... allez! on déshabille un peu les écorces! et d'autres parfums arrivent, agrumes et girofle , clous d'hiver envie de Noël!! bises
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C
Ce Défaites-vous teinté de bienveillance discrète, accueillante, "maisonnière"... Tellement mieux sur le fond,, ici, que le parfois déchirant Détachez-vous. Dessaisissez-vous, écrivait et intimait (tout en sérénité persuasive) à ses filles Thérèse... Laquelle ? Teresa, celle d'Ávila, ma grande préférée.
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A
PS "Défaites-vous" de tout cet inutile, belle invite à aller à l'essentiel !
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A
Délices mouillées et mélancoliques de l'automne. J'en déguste également les saveurs de feuilles, de champignons et d'humus. Un savant mélange. Mais tiens, j'ai soudain faim de soupe. Je vais en préparer une pour ce soir ! Merci de cette humeur "atmosphérique" !
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